Session publique du 3 février 2020
Question d’actualité de Stéphane PIZELLE :
Conseiller départemental du canton de pont-à-Mousson
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
La place Stanislas et devenu depuis début janvier le théâtre d’une série d’agressions qui ont suscité une vive inquiétude chez les Nancéiens.
Dans la nuit du 5 janvier, une jeune fille était agressée et détroussée de des effets personnels
Dans la nuit du 9 janvier, un homme subissait un tabassage extrêmement violent alors qu’il tentait de secourir un amis lui aussi pris pour cible. Ce jeune nancéien de 27 ans a été retrouvé par les pompiers à terre, dans une mare de sang. Il présente de graves blessures dont une fracture du bras. 41 jours d’ITT lui ont été prescrits.
Dans la nuit du 10 janvier, des noctambules sont agressés et volés
Dans la nuit du 18 janvier, les mêmes évènements se reproduisent
Je veux ici apporter notre soutien, que j’espère unanime, aux victimes et saluer la réactivité des forces de l’ordre qui ont été promptes à réagir. L’enquête des policiers a en effet progressé rapidement.
Les éléments de cette dernière montrent aujourd’hui que des Mineurs Non Accompagnés sont impliqués dans ces tristes évènements, 5 d’entre eux sont aujourd’hui écroués.
La justice est saisie et se prononcera en toute indépendance !
La presse nous apprend que ces jeunes migrants étaient tous logés au CHU dans l’hôtel des parents. C’est lors de la Commission permanente de juillet que nous avons voté la location de ces hébergements en remplacement des locaux du CPN de Laxou devenus indisponibles.
La justification avancée par notre collectivité ne manquera pas d’interpeller les nancéiens et Meurthe-et-Mosellans.
« Ils sont libres. Ce n’est pas un lieu de rétention, encore moins une prison ». Quelle légèreté monsieur le président, quand on sait aujourd’hui, que certains risquent d’y entrer !
Légèreté encore quand des jeunes, dont vous avez la responsabilité, ont été retrouvés alors qu’ils déambulaient dans le service de cardiologie.
Légèreté enfin, quand en décembre, la CRS de Champigneulles intervenait sur l’A31 afin de sauver 2 jeunes se rendant à Nancy… En trottinette !
Avez-vous oublié ce que signifie le M de l’acronyme MNA ? Il signifie Mineur ! A quel moment peut-on, à ce point, laisser des enfants ou ados de moins de 18 ans être livrés à eux même et dont la responsabilité incombe au département et donc vous incombe, monsieur le Président !
Force est de constater que ces Mineurs ne sont TOUJOURS PAS ACCOMPAGNES !
Qui peut bien laisser des enfants et des adolescents particulièrement vulnérables errer la nuit dans les rues d’une ville comme Nancy ou sur une autoroute ?
La vérité monsieur le président c’est que vous portez, avec votre majorité, une grande part de responsabilité dans ce qui s’est passé !
- C’est en effet votre politique volontariste d’accueil immédiat et inconditionnel qui a conduit à un afflux massif de jeunes migrants étrangers en Meurthe-et-Moselle.
- C’est aussi votre politique idéologique qui fait que, contrairement à tous les autres départements du Grand Est, les MNA ne viennent pas décliner leurs identités à la préfecture.
- C’est votre politique idéologique de refuser de participer au fichier national biométrique MNA.
Nos agents débordés ne sont clairement plus en nombre suffisants pour encadrer ces jeunes migrants étrangers ! Certes de bonnes volontés, ils ne sont pas assez nombreux et formés, préparés à assumer cette mission.
Les multiples démissions, qui se sont succédées chez les éducateurs doivent nous interpeller !
On ne peut plus répondre avec mépris qu’ils « en veulent toujours plus »
On ne peut plus continuer à externaliser et finalement se défausser sur REALISE et son personnel associatif qui, comme le personnel départemental, est à bout !
On ne peut plus continuer à recruter du personnel non formé et encore moins expérimenté !
On ne peut pas non plus continuer à cacher des faits si graves à l’ensemble des membres de l’assemblée départementale !
Tout cela, c’est du bricolage, monsieur le Président ! Ne devenez pas un mauvais marchand de sommeil !
Le malaise est là ! Il est réel !
Il faut désormais sortir de l’idéologie et agir avec responsabilité !
Il est temps de rendre des comptes ! Vous le devez aux membres élus de notre assemblée et surtout aux victimes des individus qui étaient placés sous VOTRE responsabilité !
Allez-vous enfin en finir avec laxisme ?
Allez-vous enfin faire participer la Meurthe-et-Moselle au fichier National Biométrique MNA ?
Allez-vous enfin faire relever l’identité et les empreintes digitales de l’ensemble des MNA et Jeunes Majeurs étrangers à la préfecture comme le font l’ensemble des départements du Grand Est ?
Allez-vous enfin faire en sorte que ces mineurs étrangers qui ne sont toujours pas accompagnés, le soient réellement par des personnels formés, capable d’encadrer et d’accompagner ces jeunes à qui il faut apprendre la vie en société !
Je vous remercie
Stéphane PIZELLE
Réponse de Agnès MARCHAND
Vice-Présidente déléguée à l’enfance, à la famille, à la santé et au développement social
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
C’est dans un des temples du siècle des Lumières, qui se proposait de dépasser l’obscurantisme et l’intolérance que nous évoquons aujourd’hui l’histoire d’enfant sur le berceau desquels aucune fiée ne s’est penchée. De par nos fonctions d’élus, nos regards sont amenés à se porter sur les besoins d’adaptation de nos politiques publiques, sur les dysfonctionnements de l’action publique et leur nécessaire dépassement. Cette mission de veille que nous assurons dans le cadre de la démocratie locale est une des raisons d’être de la fonction élective. La gestion des difficultés que le Conseil départemental et ses agents rencontrent dans la mise en œuvre complexe de ses compétences en matière de protection de l’enfance constitue d’ailleurs mon quotidien. Je ne peux donc que me réjouir que cette vigilance soit partagée. Cependant, à n’évoquer avec insistance que certains dysfonctionnements, pour sérieux qu’ils puissent être, le risque est grand de ne présenter l’action départementale que sous un angle défavorable. Comme vous, bien entendu, je condamne sans équivoque les actes de violence perpétrés par des mineurs confiés au Département et je déplore que certains jeunes commettent des actions répréhensibles ou tout simplement stupides. Mais cela ne résume pas la réalité du quotidien de l’action de nos services. La mise en exergue des exceptions peut donner à nos concitoyens le sentiment qu’elles sont de règle et elle est offensante pour les professionnels du Département et de ses partenaires en charge de la protection de l’enfance dans toutes ses dimensions. Si le contexte a évolué à la marge, depuis l’Automne, j’y reviendrai, les conclusions positives, rendues en juin 2019, par la mission d’évaluation sur l’accueil des MNA, que vous présidiez, mon cher Stéphane, restent parfaitement représentatives de la réalité quotidienne de l’action de nos services. Ainsi, de la même manière que nous avons un devoir d’alerte, il nous faut aussi, et c’est je crois la noblesse de nos fonctions, accompagner l’exercice de ce devoir par un travail de pédagogie et de mise en perspective, sans laquelle notre rôle demeurerait incomplet.
Ainsi, mon cher Stéphane, n’aurait-il pas été pertinent que les interrogations légitimes de votre question orale fassent l’objet d’un échange préalable à une expression dans la presse ? Les relations que nous avons établies dans le cadre de la mission d’évaluation, voire avec vos collègues au sein de la commission solidarité, pouvaient vous inviter à le faire. Soyez-en convaincu, j’aurais été ravi de partager mes informations et mes analyses avec vous car la protection de l’enfance est une politique publique sensible et il faut que nous prenions collectivement soin de ne pas en faire un sujet de controverse politicienne qui, comme vous le soulignez, ne peut que faire le jeu des extrêmes. Ce n’est évidemment pas votre intention mais je crois qu’une expression publique préalablement à cette question orale pourrait le laisser penser.
Sur un plan plus général, il s’avère que nous avons sans doute le tort de ne pas valoriser suffisamment les satisfactions, les petites victoires, et les belles réussites que nous engrangeons au fil du temps en protection de l’enfance. Et je regrette que seuls les événements indésirables soient mis en exergue. J’y veillerai à l’avenir. S’agissant du fichier national d’appui à l’évaluation de la minorité dont vous regrettez que la Meurthe-et-Moselle, avec 20 autres Départements, refuse la mise en œuvre, nous avons à de multiples reprises eu l’occasion de l’évoquer. Le Président Mathieu KLEIN vient en outre de faire parvenir un courrier sur le sujet à monsieur le préfet, dans lequel il rappelle en détail la position du Conseil départemental. Ce courrier vous parviendra dans le courant de la semaine.
Concernant le site de Brabois, le Département a signé une convention avec le CHU pour occuper des places qui étaient disponibles pour l’accueil de primo-arrivants. C’est le REM réseau éducatif Meurthe-et-Moselle qui assure l’accompagnement de ces jeunes sur la base d’un taux d’encadrement tout à fait satisfaisant de un temps plein pour deux jeunes. Par ailleurs, sur ce site, notamment, un animateur à temps plein, 3 services civiques de l’UFR STAPS et des bénévoles interviennent dans le cadre de l’apprentissage de la langue française, l’accès au sport et à la culture. Vous savez que ces jeunes qui nous sont confiés, qui sont mis à l’abri, ne peuvent malheureusement pas être intégrés immédiatement dans une scolarité. Pour autant ces lieux d’accueil ne sont pas des centres fermés et il arrive que certains jeunes ne respectent pas les règles qui y sont établies, à commencer par l’interdiction de sortir de nuit. Mais vous savez comme moi que les actes d’indiscipline ne sont pas le seul fait les enfants de l’ASE. Je pense que vous êtes père de famille. Néanmoins, en ce qui concerne notre responsabilité, chaque soir un état des présences est réalisé par l’agent éducatif de nuit qui signale au cadre d’astreinte toute absence. Cette démarche étant suivie d’un signalement de fugue à la police. Cette procédure ne diffère pas de celles mises en œuvre dans l’ensemble des lieux accueillant des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Les faits de violence commis place Stanislas, l’ont été par des jeunes en situation de fugue qui contrevenaient aux règles fixées par le REM. Ils sont actuellement en détention. Suite à ces incidents survenus le 9 janvier, le Conseil départemental a alerté le préfet de Meurthe-et-Moselle de l’arrivée de jeunes mineurs présentant des risques de délinquance, des profils très différents des jeunes mineurs étrangers isolés que les éducateurs et que nous accueillons au quotidien jusqu’à présent. Le président a ainsi interpellé monsieur le préfet le 15 janvier pour lui indiquer que, je cite, « les troubles à l’ordre public dans lesquelles ces jeunes ont été impliqués me semblent appeler des mesures énergiques. Ces adolescents ne devraient plus relever de l’ASE mais de la protection judiciaire de la jeunesse, dont les mesures et les accompagnements sont plus adaptées aux jeunes auteurs d’actes pénalement qualifiés ». Il a informé également monsieur le préfet que, depuis la fin de l’année 2019, nous accueillons des adolescents, animés de motivations fort différentes des MNA que nous accueillions précédemment, généralement paisibles et désireux de se former et de s’intégrer. Parfois en situation d’addiction qui peuvent aussi s’expliquer par les parcours que ces jeunes ont vécus. Certains comportements de cette catégorie très limitée de mineurs sont de nature à insécuriser tant les autres jeunes qu’ils côtoient que les éducateurs chargés de leur encadrement. Ces faits sont par ailleurs systématiquement signalés à monsieur le procureur de la République.
Enfin, permettez-moi de conclure sur une note qui me réjouit et qui constitue une belle reconnaissance de notre collectivité et de son engagement reconnu de longue date dans la protection de l’enfance. En effet, Adrien TAQUET, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités a annoncé aujourd’hui que la Meurthe-et-Moselle fait partie des 30 Départements retenus sur 62 postulants pour contractualiser avec l’État dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. Une nouvelle opportunité pour notre département, à l’instar de la stratégie pauvreté, qui permettra de soutenir les projets et d’autres, d’ailleurs, que nous avons engagés dans le cadre du schéma départemental de l’enfance famille.
A cette occasion, je souhaite adresser mes plus vifs remerciements aux services qui œuvrent au quotidien et sans relâche pour cette belle et complexe politique publique.
Je vous remercie.