Commission permanente de Juin 2015.
Intervention de Michel MARCHAL :
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Ce compte administratif (CA) clôture le mandat de l’exécutif sortant avec, pour notre Département, une grande particularité, cet exercice 2014 aurait dû être le dernier de notre collègue Michel DINET. Le destin en a décidé malheureusement autrement.
C’est donc vous, Monsieur le Président, qui en assumez la responsabilité.
Un CA est la traduction réelle des engagements de la collectivité, dans le respect du Budget Primitif et des différentes décisions modificatives votées par une assemblée. Alors que le BP défini des engagements budgétaires liés aux orientations retenues par l’exécutif, le CA nous confirme ou infirme ces engagements. Je reviendrai sur les éléments de ce CA.
Permettez-moi, Monsieur le Président, quelques commentaires en lien avec la situation de notre pays.
Nous venons de vivre un instant démocratique très intense, puisque l’assemblée départementale vient d’être renouvelée. La réforme territoriale est passée par là. Contrairement aux élections précédentes, cette assemblée, aujourd’hui paritaire, est intégralement renouvelée. Elle est installée pour 6 ans.
Cependant, le scrutin de mars 2015 doit nous interpeller.
Le Front National s’installe durablement dans les territoires. Les cantons ruraux, déjà confrontés à cette progression du FN, ne sont plus les seuls concernés. Le parti lepéniste conquière les zones urbaines.
Si, lors de cette campagne, le contact avec les habitants ne laissait pas percevoir une inclination xénophobe et antisémite, nous pouvons tous affirmer que nos concitoyens n’ont plus confiance dans la classe politique et plus particulièrement dans les partis politiques. Notre devoir est aujourd’hui d’apporter une réponse adaptée, par exemplarité mais aussi par l’action.
Si l’élu de terrain n’est pas en cause, l’amalgame est très vite fait. La classe politique dans son ensemble n’est pas irréprochable.
Récemment, le premier ministre ne faisant plus la différence entre l’argent public et l’argent privé se fourvoiera dans le mensonge. Elle est loin la république irréprochable ! Alors que la faute est évidente, il se trouve que certains s’empressent d’argumenter et de défendre l’indéfendable.
J’en appelle à plus de raison et de bon sens.
Le CA-2014 :
Avant de rentrer dans le détail des chiffres, je souhaiterais évoquer le contexte dans lequel a pu être réalisé cet exercice 2014. En effet, la conjoncture et les décisions nationales impactent le budget des collectivités. Notre département n’échappe pas à cette règle.
Souvenons-nous !
Le 16 juillet 2013, le Président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle se réjouissait : « le financement des allocations individuelles de solidarité était résolu. Le pacte de confiance et de responsabilité voté par le gouvernement Ayrault allait révolutionner le fonctionnement des départements ».
Enfin, un Président de la République s’engageait à créer les ressources pérennes et suffisantes pour permettre aux départements de faire face au financement des trois Allocations Individuelles de Solidarité AIS(s) !
Deux ans après cette décision, prenons un peu de temps pour vérifier l’efficacité de cet engagement.
Pour une bonne analyse, il nous faudra aussi prendre en compte l’intégralité des dotations de l’État.
Au CA 2012, donc l’année de référence, concernant les AIS, le reste à charge pour notre département était de 90.7 M€ (APA à 100%). Nous devons mettre en parallèle le chiffre du CA 2014 soit 88.5M€ (APA à 100%).
Le parallèle est édifiant : nous sommes revenus à la case départ !
Le combat mené par les départements devait aboutir à un financement intégral des AIS par la solidarité nationale. Nous sommes très loin du compte !
Autant dire que les mesures prises par le gouvernement n’ont pas suffi à améliorer la dégradation de la situation juste à la stabiliser surtout que l’État, dans le même temps, a diminué ses dotations de 6,5€ pour 2014 et a imposé des charges nouvelles
Certes, les mesures prises par le gouvernement, dans le cadre des accords de juillet 2013, ont généré des recettes substantielles, contestables pour certaines. Si le transfert des frais de gestion du foncier bâti correspond bien à une contribution de l’État, il n’en est pas de même pour les DMTO. Cette dotation issue des droits de mutation n’est en aucun cas une contribution de l’État ; c’est un impôt supplémentaire voté par les départements suite à l’autorisation de déplafonner des taux de 3.8% à 4.5% sur toutes les transactions immobilières !
Cette augmentation des taux masque le marasme du marché de l’immobilier, puisque les recettes liées à cet impôt indirect, en progression, peuvent laisser croire à une dynamique immobilière. Ce sont les taux qui ont augmenté les recettes et non le marché par ailleurs pénalisé par la politique du gouvernement et plus particulièrement par la loi Duflot !
Interrogeons-nous : pourquoi les recettes supplémentaires n’ont pas suffi ?
La réponse, nous la trouvons dans la politique économique menée par ce gouvernement. En trois ans, François Hollande a créé autant de chômeurs que Nicolas Sarkozy en 5 ans, alors que le contexte était autrement plus difficile du fait de la crise de 2008. Cela se traduit pour notre département par une augmentation importante du nombre de bénéficiaires du RSA et une enveloppe budgétaire nécessaire de 10.5 M€ supplémentaires.
La grogne monte, des voix s’élèvent dans les départements pour obtenir de meilleurs financements de l’État. Certains départements menacent de ne payer le RSA que jusqu’à concurrence des dotations de l’État, comme Michel DINET en avait fait la menace en son temps.
Je vous invite à suivre ces départements, comme votre prédécesseur l’a fait, il est vrai sous un autre gouvernement.
Dans votre discours d’ouverture, Monsieur le Président, je n’ai pas senti cette volonté de combattre. Vous semblez vous satisfaire des accords de Matignon et d’une stabilisation du reste à charge des AIS.
La solution ne se résume pas uniquement par des compensations financières notamment pour le RSA.
La politique économique de notre pays est contestable, elle aggrave le déficit, elle ne créée pas d’emplois, elle génère de plus en plus de chômeurs.
Le Président de la République nous avait promis l’inversion de la courbe du chômage en 2013. Cet engagement devient mission impossible. Comment, au cours des deux années qui restent de son mandat revenir au niveau de chômage de mai 2012 ? C’est une promesse non tenue !
Le budget d’un Département ne se mesure pas uniquement par l’analyse des AIS. Cependant, ces dépenses représentent environ 1/3 des dépenses de fonctionnement.
L’analyse des chiffres de ce compte administratif est révélatrice de la politique voulue par cette assemblée.
En fonctionnement :
Alors qu’un effort est demandé aux collectivités pour réduire leurs dépenses de fonctionnement, nous constatons une dérive importante de ce chapitre au sein de cette assemblée.
Les dépenses de fonctionnement ont progressé de 24 M€ dont 15 que nous ne maîtrisons pas puisqu’il s’agit des AIS. Nous avons cependant 9 M€ de dépenses supplémentaires que l’on retrouve essentiellement au chapitre des ressources humaines et des charges de gestion courante. L’aide sociale à l’enfance a vu croître son budget de 2 M€, plus particulièrement pour la politique des mineurs étrangers isolés.
Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’interpeller l’État pour qu’il finance cet accueil !
Et pourtant, dans le contexte économique que nous connaissons, la rigueur budgétaire s’impose. Elle ne doit pas se limiter à une diminution des investissements. Le bon usage des deniers publics n’est plus seulement une priorité, ce doit être un impératif. La diminution des dépenses de fonctionnement doit être le premier objectif.
Au chapitre des recettes, les contribuables meurthe-et-mosellans n’ont pas été épargnés. L’ensemble des impôts directs (chap 731) et des impôts et taxes diverses (chap 73) subit une hausse de 38 M€, soit de près de 9%, notamment les droits de mutation, le foncier bâti et la taxe sur l’électricité.
La culture de l’impôt ne vous abandonne pas !
En investissement :
En investissement, nous constatons votre habileté à communiquer. Lors de la présentation du budget primitif 2014, le rapporteur annonçait une politique d’investissement ambitieuse, notamment avec le Plan Collège Nouvelle Génération.
Ce qui nous est présenté devrait nous faire sourire si le sujet n’était pas aussi grave.
Car c’est l’investissement qui nourrit l’emploi !
Nous sommes toujours dans de l’affichage : le taux de réalisation n’est que de 44% !
Au budget primitif et suite aux différentes décisions modificatives, vous annoncez 238 M€ d’investissement global, dette et déficit antérieur intégrés.
Or, sur les 238 M€, seulement 106 M€ seront réalisés au CA-2014.
Ce qui importe pour l’impact économique c’est l’investissement réel.
En définitif, si nous retirons les crédits liés à la dette, nous n’aurons engagé que 80 M€ (aide aux communes et investissements réels), soit 3 M€ de moins qu’en 2013.
Reconnaissez que vous avez l’ambition modeste !
L’analyse de ces investissements nous réserve des surprises.
A écouter vos discours sur l’aide aux communes, nous allions finir pas vous croire. Vous ne cessez de répéter que les aides n’ont pas diminué, les chiffres viennent démentir vos affirmations :
18,7 M€ en 2012 et 15,7 en 2014, pour les priorités locales et territoriales, en attendant le pire pour 2015.
Ne pas soutenir les communes est une erreur économique. Apporter une aide aux territoires génère, par les cofinancements mobilisables, plus d’investissements et plus d’emplois localement que les investissements sur le patrimoine départemental.
A vous entendre, le PCNG, au cœur de notre politique éducative, serait le bras armé de la politique d’investissements départementale. Il est loin de répondre à votre ambition : 21,4 M€ votés au BP et seulement 9,4 M€ au CA.
Comment pouvez-vous être crédible sur le plan collège 2012-2018 à 270 M€ ?
C’est une supercherie ! Nous avons investi 6,6 M€ en 2013 et 9,4 M€ en 2014.
Difficile dans ces conditions de respecter l’engagement qui voudrait que l’on investisse en moyenne 45 M€ par an.
Sans avoir recours massivement à l’emprunt dans les années futures, le plan ne pourra être respecté.
Monsieur le Président, nous avons besoin d’un discours de vérité sur ce dossier.
Nous savons que les infrastructures, plus particulièrement routières, sont la variable d’ajustement de vos budgets. Là aussi nous enregistrons une baisse de 2,4 M€.
Monsieur le Président, j’entends une rumeur qui dit que, pour des raisons budgétaires, certaines communes ne pourront plus, demain, être desservies, qu’elles n’auront plus ou pas accès à différents services publics, plus particulièrement le très haut débit.
Alors, Monsieur le Président, j’ose espérer que, comme moi, vous ne voulez pas de cette Meurthe-et-Moselle là et que le Département continuera à assumer sa mission de solidarité entre les hommes et les territoires.
La fiscalité:
Chaque année vous annoncez avec force et conviction que la fiscalité locale subie par nos concitoyens est une des plus basses. La chambre régionale des comptes n’est pas du même avis, considérant au contraire que le produit de fiscalité directe par habitant est au-dessus de la moyenne des départements de même strate démographique. Il en est de même pour les taux.
Ceci explique cela.
Votre majorité considère que l’impôt n’est plus possible et pourtant la dérive continue.
Les bases augmentent chaque année dans le cadre de la loi de finances. Avec des taux élevés, sans les changer, l’augmentation de l’impôt sera en volume plus importante qu’avec des taux bas.
Un élément qui illustre brillamment ce délire fiscal : en 2010 le département a perçu 71,4 M€ issus de la taxe foncière sur les propriétés bâties et 135,6 M€ en 2014. C’est révélateur !
La dette :
Intéressons-nous à la dette ! PPP inclus :
Si nous regardons la situation de manière superficielle nous pouvons avoir envie de vous féliciter. Depuis 2011, vous avez entamé une phase de désendettement. Cette dette était de 320 M€, elle n’est plus que de 280 M€. La capacité de désendettement est de 3 ans.
Cette situation, certes raisonnable, s’explique aisément. Sur la même période notre collectivité n’a plus investi. Elle n’a donc aucun besoin d’emprunt.
Il est bon de préciser que la CRC confirme le sous-investissement du Département. Elle note que, pour notre département l’investissement par habitant est de 30% inférieur au département de même strate de population.
Sur ce sujet il est bon de rétablir la vérité.
Les budgets annexes :
Sur les huit budgets annexes, je ferai un commentaire sur 3 des budgets : la colline de Sion, le Haut débit et le Réseau Éducatif de Meurthe-et-Moselle.
► Sur SION, les déficits s’accumulent. C’est devenu chronique. 228.000€ de 2013 pour atteindre 307.000€ en 2014 malgré la régie commune avec le bar du château de Lunéville. Au regard des chiffres de 2015, vous devez compter sur l’activité de la Cité des Paysages pour vous refaire une santé !
Dans ce haut lieu de la spiritualité, le miracle est toujours possible !
Nous pouvons regretter de ne pas avoir un budget annexe global pour la colline de Sion.
► Sur le contrat PPP haut débit, beaucoup a déjà été dit lors de cette session et les investissements, nécessaires mais intelligents, ne suivent pas !
Dans le cadre du développement du très haut débit, dans le respect du plan numérique national, nous souhaitons un débat sincère et constructif au sein de cette assemblée. Mettons à plat tous les éléments de ce dossier et décidons ensemble la meilleure voie à suivre pour enfin arriver dans 10, 15 ans à la « fibre à l’habitant » tout au moins à la « fibre au village ». Même si cela doit passer par une rupture du contrat PPP ou un avenant « musclé ». Arrêtons de gaspiller des crédits publics pour installer au coup par coup des outils WIFI déjà dépassés !
► Sur le REMM, là aussi, la situation financière semble calme mais les inscriptions budgétaires 2015 qui, elles sont indispensables, risquent de créer des remous dans les futures finances et constats de CA(s).
Au final, nous nous abstiendrons sur le compte administratif, mais nous voterons pour le compte de gestion puisqu’il est le reflet sincère des écritures comptables.