Session publique du 1er février 2016.
Intervention de Jean LOCTIN :
(Conseiller départemental du canton du Nord-Toulois)
Monsieur le Président, Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Ce DOB est le 1er premier exercice en configuration de la loi NOTRé avec ses nouveaux exécutifs et ses nouvelles entités géographiques. Le 1er aussi, où la menace d’une cession de paiement est affirmée aussi ouvertement.
En préambule, faut-il rappeler que même si l’assemblée départementale a pris pour habitude de voter son Budget la même année que celle qui suit un renouvellement électoral, cet usage devait vous permettre cette année de faire fructifier ce temps supplémentaire pour obtenir « gain de cause » quant aux négociations liée à la recentralisation du RSA. Nous avons cru à une meilleure gestion des AIS localement : nous avons été dépassés par leurs évolutions exponentielles et donc un coup qui a dépassé tous les avantages d’une bonne gestion.
Sur ce point, et nous ne voyons pas ce qui pourrait changer, c’est un échec.
Sans doute aussi, la perspective d’un sombre résultat aux élections régionales, vous a gardé d’engager trop prématurément certains partenariats, notamment pour les compétences qui, à court ou moyen terme, vont être confiées à la nouvelle Région.
Pour autant, à parcourir ce rapport, nous ne sommes pas surpris des choix qui lancent votre mandat politique pour la période 2016-2021. Ils confirment avant même l’examen proprement dit du budget primitif 2016, les mauvais résultats des politiques publiques conduites depuis 18 ans dans notre département : montée de la précarité, hausse du chômage, progression croissante des bénéficiaires du RSA, dégradation de l’emploi, baisse de la commande publique, diminution des dotations de l’Etat, affaiblissement du rôle du département dans l’organisation territoriale, baisse du pouvoir d’achat des ménages, revendications syndicales sur les régimes indemnitaires et le gel, depuis 2010, du point d’indice des fonctionnaires…
A mettre en perspective avec de la politique nationale de l’emploi, particulièrement néfaste, quand on sait que la France a créé 57.000 emplois nets sur 2 années, alors qu’en Allemagne ils ont été de 482.000 ! Fera-t-on un jour le compte de tout ce qui a été dépensé au niveau national mais aussi du département en soutien à l’emploi en regard de ceux qui ont été effectivement créés ?
2015 restera en mémoire par la cacophonie d’un gouvernement que vous soutenez, encore aujourd’hui, nonobstant toutes ses errances.
Depuis 2012, ce ne sont que défaites qui ont été enregistrées aux élections, partielles ou nationales. Le parti socialiste est désormais le 3ème parti de France, dirigé par des élus qui pour beaucoup non jamais eu d’emplois dans la vie réelle et sont éloignés de la réalité du terrain, des préoccupations de nos concitoyens.
L’Etat, votre Président et vos Ministres, circulent à l’aveugle comme s’ils n’avaient jamais pris la mesure du drame qui touche nos concitoyens. Verront-ils un jour la lumière et surtout la réalité ? N’ont-ils pas déjà passé, en perte et profit, le vote de tous ceux qui se sont tournés vers le FN en espérant une solution à leurs difficultés.
Pourtant, personne n’est épargné : notre jeunesse, nos retraités, nos salariés qui tous les jours se rendent à leur travail et sont de plus en plus imposés, les chefs d’entreprises, les artisans, commerçants, agriculteurs et indépendants étranglés par les taxes et les normes, l’ensemble des administrations, les grandes institutions, … tous au bord de la rupture !
La France est en grande fragilité économique, en grande désespérance sociale et en manque cruel de repère et d’avenir !
Pour 2016 mes chers collègues, nous nous attendions une esquisse d’un budget dynamique, recentré sur des politiques publiques qui pourraient améliorer le quotidien des Meurthe-et-Mosellans : leur pouvoir d’achat et leur emploi.
En réalité la copie est terne, voire médiocre reprenant des actions éculées d’une pensée et d’une réflexion surannées et incantatoires.
Pour 2016, vous rédigez votre ordonnance :
A la lecture de ces pages, « tout va mal et en même temps tout va bien » !
Tout va mal : contraintes sans précédent, poids des AIS(s) notamment celle du RSA, baisse des dotations et compensations de l’Etat, limite des recettes fiscales et du volume d’emprunts, c’est vrai !
C’est vrai ! Les réformes successives, tant par le transfert des compétences ou les réformes fiscales, qui ont plafonné l’histoire des départements ont eu une incidence notable sur leur trajectoire financière. Chaque département a vu ses dépenses comme ses ressources profondément modifiées aussi bien qualitativement que quantitativement.
Néanmoins en matière fiscale pouvons-nous faire mieux que ce que vous avez voté depuis des années ? Faut-il avoir l’indécence de rappeler, d’année en année, de 1997 à 2011 les impôts qui grimpaient au point de paraître désormais vertueux en annonçant ne plus les augmenter !
Tout va bien : de la saine gestion du département (rapport de la CRC !), encours maitrisé, emprunts sécurisés, coût de fonctionnement contrôlé, investissements pérennes, plan collèges augmenté, CTS(s) abondés, routes réparées, métropole engagée, et, dans le pire des cas, une comparaison toujours plus flatteuse par rapport à d’autres départements.
Situation paradoxale qui vous permet d’affirmer que « moins nous en avons la capacité, plus nous allons pouvoir faire ». Renversant !
En 4 points :
► Vous diagnostiquez « la réalité implacable » de la situation des départements …
Les différents tableaux sur la situation économique et sociale de notre département sont édifiants. Plus de précarité, plus de demandeurs d’emploi, plus de bénéficiaire du RSA. Nous accédons à des niveaux que nous ne pensions jamais atteindre.
La politique menée par votre gouvernement, la vôtre depuis 18 ans dans tous nos territoires, a échoué ! 10% de chômeurs. Plus de 72 500 demandeurs d’emplois, 29 000 bénéficiaires d’un droit au RSA, 14% de nos concitoyens relevant de taux de pauvreté…
Vous prenez ces données comme une fatalité et y apportez des remèdes dont votre longévité dans cette assemblée vous permet de mesurer leur inefficience. Faut-il croire par exemple à l’économie sociale et solidaire et les 28 emplois quelle nécessite au conseil départemental.
► Vous espérez encore un remède miracle pour que les AIS(s) notamment le RSA revienne à l’Etat …
Rien depuis les accords du 16 juillet 2013, n’est venu calmer les maux des départements.
2014 et 2015 ont bénéficié d’une accalmie mais pas assez suffisante pour enrayer la diminution des dotations de l’Etat et la montée malheureuse mais bien réelle du nombre de bénéficiaires du RSA !
Faut-il rappeler que la manne liée aux DMTO dont le taux est passé de 3,8% à 4,5%, un impôt sur les ménages accédant à la propriété, et non une dotation d’état.
Un impôt sans limite puisque vous souhaitez son maintien pour 2016 ! En façade, vous dites geler les impôts et en back-office vous augmentez les taxes perfidement comme celle sur l’électricité.
► Vous faîtes l’éloge des réformes territoriales pour les économies qu’elles engendrent
Tout le monde sait ici qu’il n’en sera rien !
Des élus départementaux et régionaux en plus.
Pour la nouvelle région: des moyens et services administratifs à réorganiser, des politiques régionales à harmoniser, des coûts de fonctionnement à concilier, … à terme, aucune économie d’envergure !
► Le pacte de responsabilité et de solidarité 2016 …
Le DOB que vous nous présentez le confirme : la baisse des dotations de l’Etat pour 2016 … les chiffres réels doivent être connus. Comme en 2015, plus de 13M€ en moins pour 2016.
Nous rappelons à notre assemblée, encore plus à ceux frappés d’amnésie, l’engagement n°54 du candidat François HOLLANDE, alors que notre autonomie financière s’est réduite de 40% à 19% de nos recettes.
« Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel. Je réformerai la fiscalité locale en donnant plus d’autonomie aux communes, aux départements et aux Régions. »
Que pouvez-vous répondre à cet engagement ?
En Meurthe-et-Moselle, ayant usé tous les leviers de la fiscalité « classique » et non content d’avoir porté à son maximum le taux des DMTO, vous avez encore trouvé le moyen en septembre dernier d’augmenter le taux sur la taxe sur l’électricité via un coefficient multiplicateur fortuit ! Impôt injuste dénoncé par nos collègues communistes, des années durant, dont le silence aujourd’hui est troublant.
Depuis 2002, votre seule constance aura été d’être fidèle à la « culture de l’impôt ». Comment ne pas comprendre le désamour de nos concitoyens pour une classe politique abusant de contre-vérité.
Revenons sur les orientations majeures que vous préconisez pour 2016.
Dans un contexte territorial « chamboulé », il faut bien le dire : redécoupage de la carte départementale, redécoupage de celle des régions et bientôt celle des intercommunalités notamment avec création de la métropole Grand Nancy, le tout couronné de la loi NOTRé !
- Vous affichez avec fierté une gestion saine avec de bons indicateurs et des ratios financiers. Il est vrai qu’en juin dernier, à l’occasion de l’examen du rapport de la chambre régionale des comptes 2007-2012, nous n’avions pas la même lecture des mots des magistrats ! Sans doute n’avons-nous pas appris à lire à la même école de la République !
- Un nouveau schéma départemental enfance-famille et la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté des enfants. Des enveloppes financières en progression si elles garantissent un meilleur accueil et une meilleure scolarité des enfants confiés, nous y sommes favorables.
- Les obligations légales pour les AIS(s), nous mesurerons l’avancée des négociations au budget primitif 2016 !
- Un nouveau schéma départemental autonomie. Il est urgent de prendre en compte les besoins des personnes âgées et handicapées en perte d’autonomie, de leurs familles très souvent démunies devant les difficultés à trouver des lieux d’accueil humanisés et adaptés !
- Le maintien de la gratuité des transports scolaires sans savoir, transfert oblige, ce qu’elle va devenir au sein de la grande région ACAL ? La politique tarifaire dans les collèges : nous l’avons toujours approuvé depuis la première heure à Liverdun lors d’une réunion décentralisée de l’assemblée.
- La nouvelle étape de contractualisation CTS 2016-2021, après quasiment 2 années « blanches » en 2015 limitée à la portion congrue et en 2016 où rien de concret n’est encore affiché ! Rappelez-vous le grondement des Maires lors de la réunion du 17 décembre dernier ! Même notre collègue, 1ère vice-présidente en avait été troublée, dénonçant pourtant sans vergogne la fin d’une politique de guichet que vous avez pourtant largement promu. Nous attendons avec inquiétude et impatience le contenu des prochains CTS qui, compte tenu des crédits inscrits au rapport suivant, divise par 2 ceux votés jusqu’à présent ! Ce sera le malheur des communes, alors qu’en même temps, vous faites valoir que 70% de l’investissement public est réalisé par les collectivités territoriales. N’oubliez pas que les communes les plus dépendantes des subventions du département sont celles de moins de 500 habitants : ces ressources représentent l’équivalent de 17% de l’ensemble de leurs investissements, pour seulement 3% des communes de plus de 50 000 habitants. Le soutien des départements aux communes est un outil de cohésion sociale.
- AP CTDD 2009-2014 : 70M€ …
- AP CTS 2016-2021 : 36M€ …
- La métropole du Grand Nancy, le pôle métropolitain du Sud54, les schémas interdépartementaux à l’échelle de la région ACAL, … nous en attendons la traduction dans les faits, compétences et financements, à un mois du vote du budget. Est-ce l’apanage exclusif d’un homme politique confirmé et d’un jeune Président talentueux ? Notre assemblée ne mérite-t-elle d’en être mieux informée au cours de ce débat ?
- Les valeurs républicaines … tout a été dit le 11 janvier dernier, en regrettant cependant une nouvelle fois le départ du Préfet de Meurthe-et-Moselle et des collégiens devant assister à ce moment de débat démocratique.
- Pour 2016, le maintien du taux du foncier bâti à 17,24%. Un non-événement en soi puisque le taux peut être faible quand les bases sont importantes et vice-versa. Certes mais en oubliant pas, le poids des DMTO et de la taxe sur l’électricité qui touche tous les foyers, sans exception. Un appel aux emprunts mesuré! 36M€ : nous regarderons leur niveau effectif au budget primitif (80M€ en 2015).
- Le plan collèges nouvelles générations qui passe –énergie passive oblige (+33%) – à 299M€ sans que l’on sache vraiment quand tout sera fini !
A ce titre, l’annonce avant même la consultation de notre assemblée de la fermeture des collèges de Badonviller (2017) et Blâmont (2018) nous semble contraire à votre souhait que les élus sortent des clivages politiques et travaillent ensemble !
- La réduction des coûts de fonctionnement et le maintien de la territorialisation. Nous aimerions y croire, mais les dépenses de fonctionnement progressent encore : elles ont plus que doublé en 15 ans :
- 300M€ en 2002
- 662M€ en 2016
Des réflexions urgents sont à engagées :
- Quelle est l’utilité de la territorialisation alors que l’aide et le soutien aux communes seront réduits ? Mission d’évaluation du 6 décembre 2010.
- La folie de la gratuité des transports, un cadeau fait aux familles aisées.
- Un volume d’investissement maintenu à un niveau élevé ! Ils passent de 116 M€ à 97M€. Expliquez-nous ? Là encore nous n’avons pas appris à calculer à la même école de la République.
- La poursuite du plan Internet Haut Débit. Il faudrait quand même que nos dirigeants s’accordent : l’Etat veut faire, la Région y rentre, le Département continue dans le WIFI MAX, mauvaise solution, alors que tout le monde attend la fibre.
- L’entretien du réseau routier départemental, déjà annoncé pour 2015. L’A31, la RN4, la gare de Vandières faisant fi au passage du référendum organisé par votre ami Jean-Pierre Masseret et du coût pharaonique d’un tel investissement 120 à 150M€ à proximité d’une gare déjà active qui a couté 63M€ ! Aurons-nous lors d’un prochain DOB, les lignes directrices du réseau routier, des ouvrages d’art, des créations de routes et leurs coûts.
Faut-il s’attarder sur :
- l’expérimentation de la mixité sociale dans les collèges. Vous l’annonciez déjà, monsieur le Président quand vous étiez vice-président aux collèges.
- la création de 000 services civiques supplémentaires d’ici à 2020. Avec quels moyens ? Dans quel but ? Ne sont-ils pas des emplois précaires permettant de les sortir des comptes du chômage.
- l’aide au monde agricole par l’approvisionnement en circuits court des collèges. A généraliser !
- le 250ème anniversaire du décès du Roi Stanislas au Château de Lunéville. Et les autres projets ?
- une politique de l’habitat revisitée en 2016 …
Toutes ces mesures, sincères ou non, devront trouver leurs financements.
Les chiffres, pas seulement ceux du tableau page 29, ceux qui jalonnent vos 18 ans de gestion, nous confortent d’année en année sur le décalage des intentions que vous développez dans les discours et la réalité des comptes administratifs où s’écrit le niveau réel d’exécution des promesses budgétaires.
La nouvelle équation financière nous oblige à faire des choix en termes de dépenses de fonctionnement, d’investissements ou de fiscalité. La seule qui reste est celle des dépenses et en particulier celles que nous vous signalons. Nous vous y encourageons.
Dans l’attente du Budget Primitif 2016, le mois prochain, devant traduire vos intentions, nous prendrons simplement acte de ce DOB.