Session publique du 25 septembre 2017.
Question d’actualité de Corinne MARCHAL-TARNUS :
(Conseillère départementale du canton de Saint-Max)
Monsieur le Préfet,
La loi n°92-1444 du 31 décembre 1992 (codifiée aux articles L.571.1 à L571.26 du code de l’environnement) est la loi cadre qui a offert un cadre législatif complet à la problématique du bruit et a posé les bases cohérentes de traitement réglementaire de cette nuisance.
Le décret L.571.9 impose la prise en compte du bruit dans tout projet neuf d’infrastructure routière ou ferroviaire ou lors de la transformation d’une voie existante augmentant le niveau sonore de plus de 2dB. Les maîtres d’ouvrages sont tenus de mettre en place des protections (écrans antibruit/ traitements de façades).
Malheureusement pour les habitants des bourgs d’entrée de ville au nord de Nancy, la section Nancy –Maxéville/Champigneulles a été construite dans la première moitié des années 70, bien avant la loi Royal et bien avant que les nuisances sonores ne soient considérées comme un véritable de problème de santé publique.
En 2014, l’OMS classait le bruit en deuxième place des causes environnementales nocives, derrière la pollution atmosphérique.
De Maxéville à Bouxières aux Dames, la section passe à trois voies avec enchaînement de virages serrés et échangeurs rapprochés. Depuis les années 2000 le trafic global au niveau de Champigneulles est supérieur à 88000 véhicules/ jour. Les niveaux sonores à Champigneulles comme à Maxéville sont supérieurs à 70db tout le long du parcours de l’A31.
Les mêmes causes ayant les mêmes effets, la nuisance subie est la même pour un habitant de Maxéville ou Champigneulles.
Il est difficile alors d’envisager un traitement différent des concitoyens de ces deux bourgs : un mur antibruit à Maxéville, une simple isolation phonique de seulement 71 habitations à Champigneulles.
Les contraintes techniques et financières sont des arguments légitimes, entendus par les élus de Champigneulles qui participent activement aux discussions dans un esprit constructif et responsable, en vue d’obtenir une solution mixte.
Pouvez-vous, Monsieur le Préfet, lever le doute sur la construction, même partielle, d’un mur antibruit à Champigneulles quand les contraintes techniques et d’efficacité le permettent, les mesures d’isolation phoniques complétant le dispositif dans les zones où cette protection n’est pas possible.
Pouvez-vous préciser la nature et le montant des fonds opérationnels dont vous disposez pour agir sur ces nuisances à Champigneulles ?
Les habitants attendent depuis 40 ans et comptent sur l’État pour remédier aux nuisances qu’il a lui-même généré en scindant cette commune en deux par une infrastructure autoroutière… il y a bientôt 50 ans.
Vous remerciant par avance de la précision de votre réponse.
Corinne MARCHAL-TARNUS
Réponse de Philippe MAHÉ :
Préfet de Meurthe-et-Moselle
Madame la Conseillère Départementale,
Afin de répondre aux attentes croissantes des riverains des voiries nationales, l’État s’est engagé dans un programme de réduction des nuisances sonores le long des routes nationales et autoroutes non concédées. La résorption des « points noirs bruit » concerne les bâtiments exposés à des valeurs de bruit supérieures aux seuils réglementaires et construits avant l’infrastructure routière génératrice bruit.
Un point noir du bruit est défini dans la Loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit et ses textes d’application. Il s’agit d’un bâtiment à usage d’habitation (logement, établissement d’enseignement, de soins et de santé, d’action sociale… ) localisé dans une zone de bruit critique engendrée par une infrastructure nationale de transport terrestre routier ou ferroviaire dont la date de construction est soit antérieure au 6 octobre 1978, soit antérieure à la DUP de la voie concernée (pour l’A31 , DUP de 1962 avec report en 1972). Enfin, les niveaux sonores relevés à l’intérieur de ce bâtiment doivent être supérieurs aux valeurs de seuils réglementaires (seuil de jour à 70 dB(A), seuil de nuit à 65 dB(A)).
La circulaire du 25 mai 2004 définit les valeurs limites de bruit caractéristiques des points noirs. Si une seule de ces valeurs est dépassée, le bâtiment peut être qualifié de point noir bruit, dans la mesure où ce bâtiment est antérieur à la construction de l’infrastructure.
Pour le respect des objectifs réglementaires, plusieurs dispositions peuvent être envisagées :
- Mettre en place des écrans phoniques ou des merlons,
- Mettre en place des isolations de façades des habitations,
- Combiner les deux mesures précédentes,
- Diminuer la vitesse des véhicules.
Afin d’établir un état initial d’un secteur considéré, une étude acoustique doit être lancée en préalable. Les objectifs de ce type d’étude consistent à :
- déterminer les niveaux sonores existants par la réalisation d’une campagne de mesures de bruit avec la mise en place de micro et d’enregistrement sur certaines habitations,
- modéliser la situation actuelle afin de repérer les habitations en situation de point noir bruit,
- modéliser la situation à terme afin d’évaluer le type de protection acoustique pouvant être mise en place et d’évaluer leur efficacité.
Si l’étude montre que des écrans acoustiques sont efficaces et protègent un nombre important d’habitations, les études d’avant-projet et projet peuvent être lancées. Ces études ont pour but de concevoir les ouvrages et de s’assurer qu’ils peuvent être implantés sur site, ce que n’intègrent pas les études acoustiques initiales.
Les deux sites de Maxéville et Champigneulles sont bien identifiés, suite à plusieurs études techniques, comme des points noir bruit. Néanmoins, les configurations topographiques sont très différentes :
La commune de Champigneulles est située en partie en surplomb de l’autoroute rendant une protection par écran acoustique classique peu efficace. La dernière étude acoustique ACOUSTB (2015) montre que 71 habitations individuelles et 1 immeuble collectif sont en situation de point noir bruit pour lesquels une solution par la mise en place des écrans phoniques classiques n’apporte pas une protection acoustique répondant aux seuils réglementaires à un coût économiquement acceptable.
Des études complémentaires ont été commandées au CEREMA pour évaluer le type d’ouvrage à réaliser pour permettre une protection des constructions efficace sur l’ensemble de la zone longeant l’A31. Ces études complémentaires ont été rendues au second semestre 2016 par le CEREMA de Strasbourg avec différents scénarii pour des montants allant de 9 à 26M€ selon la hauteur des écrans.
Aussi, même sans intégrer les potentiels surcoûts liés aux conditions d’exploitation sous chantier sur A31, aux fondations à renforcer pour garantir la stabilité des talus, aux emprises et à la topographie, les premiers coûts estimés de mise en place d’écrans phoniques sur l’ensemble de la zone de Champigneulles bordant l’autoroute sont apparus prohibitifs.
Le coût par habitation protégée aurait en effet été de l’ordre d’au moins 300 à 400k€ ce qui est largement supérieur d’une part à ce qui est habituellement mis en œuvre pour des protections de ce type et d’autre part à des solutions alternatives de protections de ces habitations par traitement de façade.
Néanmoins, sur la zone au Sud Est du pont de la rue Voltaire une partie des habitations pourraient potentiellement être protégées par un écran phonique et le Maire de Champigneulles a souhaité que puisse être envisagé un traitement différentié des habitations avec une solution mixte. Une étude permettant d’évaluer la faisabilité technique de l’implantation partielle d’un mur anti-bruit sur ce secteur va donc être menée.
Cette étude à venir ne présage pas du résultat attendu et des suites qui pourront être données sur ce secteur.
Dans cette attente, il a été proposé à l’ensemble des propriétaires déclarés point noir du bruit de s’orienter vers la résorption des nuisances sonores par traitement de façades ce qui permet d’initier une dynamique locale dès 2017 pour permettre des travaux d’isolations de façades des habitations dès 2018 comme le dictent l’intérêt général et les obligations réglementaires assignées à l’État.
Dans ce cadre, la DDT a lancé un appel public à concurrence le 8 décembre 2016 et a recruté le bureau d’études ORFEA qui a pour mission :
- de réaliser un diagnostic technique (acoustique et thermique) de chaque logement concerné avec l’accord du propriétaire,
- d’accompagner chaque propriétaire pour choisir après consultation les entreprises en charge de la réalisation des travaux d’isolation des façades et pour solliciter les subventions de l’État après réalisation des travaux.
La notification du marché a eu lieu le 05 juillet 2017 et l’ordre de service de démarrage au 31 août 2017 suivant le calendrier ci-dessous :
- de juillet 2017 à avril 2018 : réalisation de l’état des lieux, de l’audit acoustique et thermique, de l’élaboration des programmes de travaux, de la consultation des entreprises de travaux et de l’analyse des offres, établissement des conventions
- de mai 2018 à octobre 2018 : réalisation des travaux, des contrôles et de la réception.
Dans ce dispositif spécifique, les propriétaires des bâtiments qualifiés de points noirs bruit peuvent bénéficier gratuitement du diagnostic acoustique et thermique de leur construction et d’une subvention couvrant au moins 80 % du montant TTC des travaux d’isolation acoustique des façades, dans la limite d’un plafond. Ce taux peut être majoré à 90 ou 100 % selon conditions de ressources (taux selon conditions de ressources et dans la limite d’un plafond). Les fonds sont issus de crédits dédiés issus de l’ADEME.
Concernant les travaux d’isolation thermique, d’autres dispositifs d’aides peuvent être sollicités par les propriétaires auprès des services de l’ANAH. Le bureau d’études est chargé de présenter toutes les possibilités de financement pour amélioration énergétique de chaque logement au-delà de l’isolation phonique.
A l’inverse, la commune de Maxéville se situe en partie en contrebas de I’ A31 ce qui favorise l’efficacité des écrans acoustiques. Une étude acoustique a également été réalisée sur cette commune par le bureau d’études ACOUPLUS en 2006.
Elle montre que 40 logements sont en situation de « point noir bruit ». 9 habitations subissent aussi des niveaux sonores élevés (supérieurs à 65 dB(A) de jour), sans être point noir bruit. La majorité des maisons à protéger se situe le long de la rue de la justice. Pour les autres habitations identifiées, des isolations de façades sont plus adéquates s’agissant soit d’habitations isolées, soit d’immeubles.
Des simulations ont été faites avec le modèle en intégrant la mise en place de deux écrans le long de l’A31 au niveau de la rue de la justice. Ces écrans permettent de protéger 32 habitations. Cette solution peut donc être considérée acoustiquement efficace. Il a donc été décidé de poursuivre les études sur ces bases. Il s’agit à présent de concevoir les ouvrages et de s’assurer qu’ils peuvent être implantés sur site. Ces études et la conduite des travaux sont confiées à un maître d’œuvre. En fonction des difficultés techniques du projet (respect des règles de sécurité, tenue des talus, conditions d’exploitation pendant le chantier, etc.) la réalisation des travaux pourrait débuter au mieux en 2019.
J’ai confirmé par écrit le 14 février 2017 à la mairie de Maxéville que l’opération d’écrans acoustiques pourrait bénéficier des financements de l’État inscrits au Contrat de Plan Etat Région 2015-2020 à hauteur de 3,5 M€ et que le dossier de consultation était en préparation pour recruter un maître d’œuvre dans le courant de l’année 2017.