Session publique du 23 septembre 2019.
Question d’actualité de Michel MARCHAL :
Conseiller départemental du canton de Baccarat
Monsieur le Préfet,
Bercy veut fermer un grand nombre de trésoreries. Pour compenser ces fermetures, des points de proximité vont être créés, par exemple dans des trésoreries reconverties en « Maisons France Services ». Et d’ici la fin du quinquennat, les services des impôts seront présents dans 2.600 communes, soit 700 de plus qu’aujourd’hui … Le ministère promet des agents dans des mairies, des bus administratifs itinérants ou des Maisons France Services. C’est le discours !
Sans renier la modernisation des services publics qui doivent s’adapter à l’évolution de notre société, je m’interroge sur le bien-fondé de cette réforme. Certes, les finances publiques ne sont pas le service le plus attendu de nos concitoyens, mais des questions subsistent, liées notamment à l’efficacité du service rendu.
La gestion de la comptabilité des collectivités locales occupe en effet une grande place dans l’activité des trésoreries.
Si la dématérialisation représente un réel atout et permet de fournir des services nouveaux et attendus aux élus et à la population, elle ne remplace pas le nécessaire contact permanent avec les collectivités. Cette mission de conseil est mise en avant, avec raison, par la DGFIP.
Or, sa politique de suppression d’emplois et de fermeture de sites conduit, là aussi, à une dégradation de la mission. Il y aura moins d’agents comptables. L’éloignement ne renforcera pas l’efficience. Dans une dimension humaine, la proximité de l’agent comptable et les relations qui en découlent sont très appréciées des élus.
Pour le grand public, et plus particulièrement les personnes fragiles, la vie sera plus difficile.
« Chacun aura accès aux services publics à moins de 30 minutes », promet le ministre des Comptes publics. »
A entendre ce discours, nous devrions nous réjouir : les territoires seraient mieux servis.
Le diable se cache dans les détails !
Notre département dispose aujourd’hui de 20 trésoreries. Demain, il en restera 6.
On explique que, pour mieux servir la population, on ferme un vrai service pour le remplacer par une présence dégradée et sans moyens.
La volonté de l’état est de compenser ces fermetures par davantage de guichets en proximité en créant des points de contact.
Là où des MSAP existent, un service très allégé y serait transféré. L’état souhaite labelliser ces MSAP et les appeler MAISONS FRANCE SERVICES.
Tout cela a un air de déjà-vu.
Nous sommes passés par les RSP (réseaux de services au public), puis les MSAP (Maisons de services au public) et aujourd’hui, les Maisons France Services. Serait-ce là l’essentiel de la réforme qui nous contraint à chaque fois à changer les enseignes ?
Des permanences seraient assurées dans ces structures quelques heures par semaine. Nous avons connu cela avec les agences postales. Les usagers ne sachant plus les horaires d’ouverture ne se déplaceront plus. Alors il sera facile de démontrer, au travers de statistiques, que ces lieux d’accueil ne sont plus fréquentés. Leur fermeture deviendrait inéluctable.
Tous les territoires ne sont pas dotés de MSAP et pourtant leur trésorerie va disparaître.
Toutes les MSAP ne seraient peut-être pas labellisées. Il est bon de rappeler qu’un financement (30.000€) serait lié à la labellisation. Il n’est pas précisé si ce financement sera reconduit chaque année.
Ces MSAP, pour obtenir la labellisation, devrait accueillir un bouquet de services (9 services minimum sur 18). Quid des territoires non labellisés ? Les locaux sont t’ils suffisants et adaptés ?
Ces structures seraient labellisées au printemps 2020 alors que les trésoreries seront fermées pour certaines au 1er janvier 2020. Pourquoi autant d’empressement ?
J’émets aussi des réserves sur le fonctionnement des MSAP.
A ma connaissance, les MSAP actuelles sont portées soit par des communautés de communes, soit par la Poste ou alors par des associations, plus particulièrement Familles Rurales. Pour avoir participé à plusieurs réunions sur le sujet, il semblerait que la gestion postale doive être améliorée. Le transfert d’un certain nombre de services régaliens nécessite une gouvernance adaptée. Interrogeons-nous sur le portage associatif, sur sa légitimé et surtout sur la garantie d’une pérennité. Pour ma part, je considère que les collectivités locales ont toutes leur place dans ce nouveau dispositif.
Monsieur le Préfet, évitons la précipitation. La réussite d’une telle réforme ne peut se faire sans les territoires. Mettez en place un vrai dialogue et ne martyrisez pas une nouvelle fois la ruralité. Il y a nécessité à faire du sur mesure. Ne donnez pas l’illusion d’une proximité.
En conclusion, je ne résiste pas à l’envie de faire un autre commentaire. Alors que le schéma départemental d’amélioration des services publics était censé anticiper ou régler ces problèmes, je fais le constat que dans les départements où ce schéma a été voté, les problèmes sont du même ordre.
Mais pour les syndicats, le ministre des Comptes publics joue sur les mots : il s’agit bel et bien d’un « démantèlement des finances publiques », selon la responsable CGT Emmanuelle Planque. « Le plan du ministre, c’est de mettre des points d’accueil : non pas des services publics, avec des fonctionnaires d’État des finances publiques et pleine compétence, mais des points d’accueil ‘multiservices’. C’est une façon d’habiller la fermeture des services publics tels qu’ils existent maintenant. »
« Toutes ces pièces vont nous retomber sur le dos »
Chacun aura accès au service public à moins de 30 minutes, promet le ministre des Comptes publics dans un courrier aux élus. Mais en en Seine Maritime par exemple, 46 trésoreries seront remplacées par une quinzaine de points de contact et 17 services de gestion comptable. De quoi inquiéter plus d’un élu local, à l’image de Laurent Jacques, maire communiste du Tréport : « Tout passe par la trésorerie, et c’est la trésorerie qui met les factures. On la retrouve notamment dans la facturation des cantines, des centres de loisirs, des écoles de musique… Toutes ces pièces, qui passent aujourd’hui par la trésorerie, vont nous retomber sur le dos. »
Ces élus réclament aussi la « transparence sur les suppressions d’emplois ». Une question qui, à en croire le guide de Bercy, risque d’attendre, puisqu’elle relève d’arbitrages du contrat d’objectifs et de moyens et du projet de loi de finances.
Il s’agit, d’assurer une meilleure accessibilité des services publics à la population, notamment dans les territoires où le sentiment d’abandon de l’État se développe. Il souhaite aussi porter une attention toute particulière aux usagers qui sont peu familiers ou éloignés des outils numériques, sans renier la nécessaire modernisation des services publics. » A Loudéac, le projet passe mal et le centre des impôts était en ébullition ce jeudi. Agents des finances publiques et élus locaux sont vent debout contre ce projet de redéploiement des services fiscaux et particulièrement dans ce centre Bretagne, où est annoncé le départ d’une partie des guichets fiscaux. Gwenaelle Kervela, élue de la ville explique ainsi que demain pour une entreprise, il lui faudra « aller à Dinan pour une aide, un service un renseignement, soit 1h15 de route aller et 1h15 retour ». Les agents ont également des doutes quant à la concertation concernant un projet qui paraît déjà bien sur les rails, avec des éléments d’ores et déjà actés.
Dans des communes voisines, il est prévu de fermer les trésoreries pour les remplacer par des permanences certains jours de la semaine. Un service étendu néanmoins à plusieurs petites villes qui ne disposaient d’aucun service jusqu’alors. Un « accueil de proximité » dont pourrait disposer chaque canton, c’est ainsi que la réforme le prévoit. Mais rien ne garantit qu’ils perdureront, exposés, selon les agents des finances, à d’éventuels nouvelles réformes.
Fin des trésoreries !
Ce document laisse entrevoir la transformation des trésoreries telles qu’on les connaît aujourd’hui. Deux nouveaux types de structures verront le jour, à savoir des services de gestion comptable et des conseillers de collectivités locales, mais ils seront moins nombreux. Parallèlement, des accueils de proximité vont être créés, par exemple, dans des trésoreries reconverties en maisons « France service » où les citoyens pourront accéder à d’autres services publics.
Le Ministre a également évoqué des permanences dans des mairies ou des bureaux de poste. « Le maillage de la Direction générale des finances publiques [DGFIP] est l’un des plus denses des administrations d’Etat, avec près de 3.600 points de contact pour les usagers », justifie Gérald Darmanin, dans un courrier aux élus, tout en assurant que chacun aura « accès aux services publics à moins de trente minutes ». Ce dernier affirme que le nombre d’accueils de proximité va augmenter de 30 % d’ici à 2022.
« Nous craignons que ces accueils ne soient que des « coquilles vides » », nuance Anne Guyot Welke, porte-parole du syndicat Solidaires finances publiques. Ces éléments seront soumis à concertation dans les quatre prochains mois.
Au niveau local, la contestation frémit. Le président communiste du Conseil départemental du Val-de-Marne, Christian Favier, a mis en garde contre « un changement de périmètre des missions du service public ». Laurent Saint Martin, député LREM du Val-de-Marne, l’a invité à entrer dans la concertation. « Il faut regarder les besoins à l’échelle de chaque département et faire du sur-mesure », répond-il.
Fin du « cash » !
Cette réorganisation s’accompagne de la fin du « cash » dans les paiements à la DGFIP, qui n’acceptera plus que les paiements dématérialisés. Bercy a lancé un appel d’offres auprès de buralistes ou de bureaux de poste, pour permettre à ceux qui le souhaitent de continuer à payer en liquide.
Pour mener à bien cette restructuration, l’administration va s’appuyer sur les outils prévus dans le projet de loi sur la fonction publique en cours d’examen au Parlement, qu’il s’agisse d’indemnités de départ ou de primes à la mobilité. Un arrêté publié fin mai au « Journal officiel » dresse la liste des services de la DGFIP qui seront éligibles à ces outils d’indemnisation, proches de ceux utilisés par les entreprises privées en cas de plan de départ volontaire.
L’impact sur l’emploi reste encore inconnu. Depuis dix ans, l’administration fiscale a perdu en moyenne 2.000 emplois chaque année. En 2018, le rythme des suppressions d’emplois devait être ralenti pour permettre d’absorber le prélèvement à la source. Mais la DGFIP n’a pas pu pourvoir tous ses postes, faute de candidatures au concours. Comme le nombre de départ en retraite a été plus important que prévu, le fisc a finalement supprimé plus de postes que prévu (1.900 au lieu de 1.500 inscrits dans le budget).
En réalité l’administration ne veut plus voir personne au guichet et fait tout pour en éloigner les usagers. Un de ses arguments, écrit, vérifié, vérifiable et apparemment assumé est : il faut désintoxiquer le redevable de l’accueil physique !!!
Pour la gestion publique proprement dite (gestion des budgets des collectivités), la proximité est-elle réellement un atout ? La DGFIP met souvent en avant les progrès de la dématérialisation.
L’intercommunalité, souvent mise en avant pour justifier ces fermetures est-elle pour toi un argument valable ?
La loi NOTRé (Nouvelle organisation territoriale de la République), pour ne citer qu’elle, a aussi bien sur des conséquences. En milieu rural, son application conduit les préfets à envisager de vastes intercommunalités. Dans mon département, il n’en resterait que 6 contre plus de 20 il y a 5 ans. Si la carte des trésoreries suit comme la DGFIP l’envisage une nouvelle réorganisation/fusion des communautés, le réseau rural disparaîtra totalement.
Illusion de proximité !
Michel MARCHAL