Égalité des droits pour les personnes handicapées

Session budgétaire du 16 mars 2016.

Intervention de Corinne MARCHAL-TARNUS :

(Conseillère départementale du canton de Saint-Max)

Monsieur le président, chers collègues,

Dans le cadre de ce budget 2016  je souhaite vous interpeller sur un sujet qui me tient à cœur.
J’ai participé à la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui a consacré le droit à compensation. (Art. L. 114-1-1 du CASF.)

Ce droit à compensation vise à permettre à la personne handicapée de faire face aux « conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie ». Selon la loi, il englobe « des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté » en réponse aux besoins identifiés lors de l’évaluation individualisée (cf. la publication CNSA Mots-clés de l’aide à l’autonomie – Évaluation).

► Le projet de vie, défini comme l’expression libre des attentes, besoins, souhaits de la personne et sur lequel doivent se fonder l’évaluation des besoins de compensation et la préconisation de réponses.

► L’évaluation globale et multidimensionnelle de la situation et des besoins de compensation : conduite dans un dialogue avec la personne, elle tient compte de son projet de vie et de son environnement pour que puissent lui être proposées, dans le plan personnalisé de compensation, des réponses adaptées.

► Le plan personnalisé de compensation (PPC) constitue un élément essentiel des dispositifs introduits par la loi de 2005. Il est élaboré par l’équipe pluridisciplinaire ou l’équipe médicosociale « en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans le projet de vie ».

 

Actuellement membre de la CDAPH, je vois nombre de dossiers de recours concernant les prestations liées au handicap.

Selon le collectif Handicap 54, jusque fin 2013, le département de Meurthe-et-Moselle finançait la compensation du handicap à 70% des besoins alors que la moyenne des départements s’élevait à 20% (rapport du CNSA 2013).

Depuis 2014, une volonté d’harmonisation des pratiques a conduit à l’application d’une grille GEVA dont l’application détermine, à la minute près, les différentes aides humaines possibles dans chaque plan personnalisé de compensation et s’applique désormais à chaque renouvellement de plan.

Les personnes handicapées tout comme les familles subissent douloureusement cette application quasi mécanique, réduisant l’accompagnement de façon drastique.

Les recours se multiplient.

En février 2015 le tribunal du contentieux et de l’incapacité de Nancy donnait raison à une personne tétraplégique voyant son aide humaine passer de 22H/jour à 9h56  et condamnait la MDPH à rétablir ses droits au motif que cette diminution d’aide humaine n’était pas justifiée. (La MDPH a fait appel de cette décision).

La décision finale de l’appel interviendra dans environ 2 ans…

De façon concomitante des aides à l’environnement dites « extra légales » ont été supprimées pour les personnes isolées en Meurthe-et-Moselle.

► Plus d’aide-ménagère

► Plus d’aide à la préparation des repas (alors que persiste l’aide pour les achats et pour la prise du repas) ?????

► Plus d’aide à l’entretien du linge

Les auxiliaires de vie n’ont plus le droit d’assumer ces tâches.

Extrait du rapport d’activité 2009 CG 54

« La vie à domicile des personnes handicapées est également facilitée grâce à l’action de Services d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) financés essentiellement par le Département. Ils ont principalement vocation à contribuer à la réalisation du projet de vie de la personne en palliant le plus possible les conséquences du handicap, en la guidant, en la stimulant, en l’accompagnant dans ses démarches et dans sa vie quotidienne, ou en l’aidant à communiquer ».

Aujourd’hui le département de Meurthe-et-Moselle a totalement rompu avec les innovations initiées par Michel Dinet, allant jusqu’à supprimer l’aide aux vacances (20 000€).

Cette nouvelle interprétation de la loi de 2005 remet en cause l’autonomie des personnes et la mise en œuvre de leur projet de vie, elle est en contradiction avec l’esprit et les objectifs de la loi.

Le collectif Handicap 54 nous a alertés sur les situations extrêmement difficiles qui en sont la conséquence, notamment pour les adultes handicapés vivant en logement autonome :

► Dégradation de l’hygiène alimentaire, physique et environnementale.

► Ruptures brutales de l’accompagnement conduisant à l’impossibilité pour la personne de rester dans son logement en « autonomie ».

► Rupture dans les parcours de vie avec retour au domicile familial ou en établissement.

► Certains choisissent de financer sur leur allocation, pourtant inférieure au seuil de pauvreté, les services qui leurs sont nécessaires.

 

Aussi, Monsieur le Président, nous souhaiterions que soient recensées ces situations de personnes handicapées seules en autonomie, qui ne doivent pas être si nombreuses et que le coût de cette autonomie soit évalué, afin d’imaginer des solutions qui pourraient respecter à la fois les contraintes budgétaires et leur projet de vie.

Le handicap est au cœur des missions du département, l’était déjà avant la loi de 2005 et le restera indépendamment du RSA.

Une approche plus humaine et moins « technocratique »serait souhaitable vis-à-vis de ces publics fragiles dont le département a la responsabilité. Les élus d’opposition sont prêts à participer à cette réflexion.