Session publique du 16 décembre 2019.
Question d’actualité de Michel Marchal
Conseiller départemental du canton de Baccarat
Monsieur le Président,
Le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » créé en 2016 a pour but de démontrer qu’il est possible à l’échelle de petits territoires, sans surcoût significatif pour la collectivité, de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles pour répondre aux besoins des divers acteurs du territoire.
Prévue pour cinq ans, l’expérimentation TZCLD est actuellement mise en place dans 10 territoires où ont été créées une ou des entreprises à but d’emploi – EBE . Ces entreprises ont pour charge de recruter les demandeurs d’emploi et de développer des activités utiles mais non concurrentielles.
Cette expérimentation se fonde sur trois constats qui permettent de penser qu’il est humainement et économiquement tout à fait possible de supprimer le chômage de longue durée à l’échelle des territoires :
- Personne n’est inemployable,
- Ce n’est pas le travail qui manque,
- Ce n’est pas l’argent qui manque,
Aujourd’hui, de nombreux territoires sont volontaires pour mettre en ouvre la démarche. La durée de l’expérimentation est de 5 ans. Nous sommes à mi-parcours et déjà de nouveaux territoires souhaitent pouvoir s’engager.
Une deuxième loi annoncée par Emmanuel Macron en septembre 2018 pour étendre l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée se fait attendre et n’est toujours pas inscrite au calendrier parlementaire. Cette loi pourrait également prolonger l’expérimentation dans les 10 territoires déjà opérationnels.
Dans sa volonté d’éradiquer la pauvreté, le Président de la République a mis en place une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté qui repose sur deux piliers. Le premier pilier consiste à prévenir la pauvreté par l’investissement social, le second pilier repose sur l’accompagnement vers l’emploi des personnes les plus en difficulté.
TZCLD s’inscrit parfaitement dans le deuxième pilier.
Dans le cadre de cette expérimentation une collectivité de notre département s’est engagée dans cette démarche. Nous apportons un soutien à l’EBE touloise.
L’expérimentation de ce dispositif sur les 10 territoires semble donner satisfaction et pourtant des voix s’élèvent pour le contester.
Deux rapports très attendus, l’un du comité scientifique de l’expérimentation, l’autre, d’une mission Igas-IGF, ont été remis récemment à la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Et tous deux mettent un bémol à l’extension de l’expérience, qui nécessite une nouvelle loi. Ils soulignent des gains plus faibles que prévu.
Mais si le comité scientifique souligne l’amélioration de la situation professionnelle et personnelle des personnes employées, il relève des difficultés concernant le développement des structures et la construction des parcours professionnels des bénéficiaires.
Quant à la mission Igas-IGF, elle souligne un gain direct pour les finances publiques deux fois moindres qu’escompté, notamment parce qu’une proportion non négligeable des nouveaux embauchés n’était pas bénéficiaire de prestations sociales. La mission propose ainsi de revoir le public cible de l’expérimentation.
Les économistes relèvent aussi que «les gains sociaux et fiscaux de l’expérimentation s’avèrent plus faibles qu’anticîpé. Du coup, ils ne recommandent pas la généralisation de l’expérimentation dans ses conditions actuelles.
Monsieur le Président, face à ces interrogations qu’elle est la position de notre collectivité ?
Pouvez-vous nous communiquer un bilan de l’expérience touloise qui nous concerne et allons-nous encourager d’autres collectivités à s’engager dans cette démarche ?
Je vous remercie pour votre réponse.
Michel MARCHAL
Réponse de sylvie BALON
Vice-Présidente déléguée à l’Insertion
Monsieur le président,
Chers collègues,
Lors de la session en septembre 2017 nous apportions notre soutien à l’expérimentation territoire zéro chômeur longue durée initiée par ATD Quart-Monde et conduite en Meurthe-et-Moselle sur le territoire de la communauté de communes du Pays de Colombey et du Sud Toulois. Les objectifs de l’expérimentation sont, comme vous le rappelez, de montrer qu’il est viable à l’échelle d’un territoire et sans surcoût pour la collectivité de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi. Pour y parvenir, deux entreprises à but d’emploi sont actuellement conventionnées. La Fabrique, qui a embauché ses premiers salariés en janvier 2017 et qui développe des activités de travaux forestiers, de maraîchage biologique, de recyclerie, de services aux entreprises et aux particuliers. Je vous engage vivement à aller les visiter, d’ailleurs, c’est très intéressant. La SCIC De Laine en rêve qui a démarré son activité en juin 2018 et porte une activité plus spécialisée de confection de matelas en laine de mouton collectée dans des élevages de Lorraine. D’autres créations d’entreprises à but d’emploi sont envisagées sur d’autres types d’activités telles que la conserverie, l’environnement, ou les services aux habitants. Le Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle apporte son soutien à cette expérimentation par une participation et une contribution technique dans le cadre des instances de pilotage national et local de l’expérimentation. La transmission à la communauté de communes de données relatives aux bénéficiaires RSA présents sur le territoire, une participation départementale annuelle au financement de l’ingénierie mise en œuvre par la communauté de communes et enfin une contribution financière au Fonds national d’expérimentation territoriale calculée sur la base d’une estimation des dépenses, à savoir le montant des allocations du RSA non versé.
Sur les 513 personnes en chômage de longue durée du territoire, 211 ont été rencontrées dans le cadre de l’expérimentation et 78 personnes ont été recrutées en CDI. 84 d’entre elles restent en attente d’un recrutement mais 43 personnes volontaires sont sorties du projet ou d’une des EBE. Le nombre d’allocataires du RSA recrutés en 2018 s’élève à 11 personnes. Cette proportion reste faible, comme vous l’avez souligné mais à mettre en parallèle avec une baisse relative du nombre d’allocataires domiciliés sur le territoire depuis le démarrage de l’expérimentation. Néanmoins, pour traiter cette fragilité un accompagnement social et professionnel des publics qui déclarent ne pas être intéressés par la démarche a été enclenché par les maisons des solidarités concernées. Ce travail porte ses fruits puisque le nombre de BRSA a progressé de près de 33 %. Comme vous l’avez indiqué, à l’échelle nationale, plusieurs évaluations relatives à la mise en œuvre de la première phase de l’expérimentation ont été rendues publiques dont celle de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, pour le compte du Ministère du Travail. Ce rapport souligne l’amélioration de la situation professionnelle et personnelle des personnes mais, c’est exact, ses conclusions ne permettent pas, à ce stade, de justifier la généralisation de l’expérimentation dans ses conditions de déploiement et de fonctionnement actuelles. Ce rapport suggère par contre qu’un temps supplémentaire donné à l’évaluation permettrait de préciser les effets de l’expérimentation et de se prononcer, ou non, en faveur de sa généralisation. Les rapporteurs envisagent même d’étendre l’expérimentation à de nouveaux territoires, sous certaines conditions. Si telle était le souhait du gouvernement, et en cohérence avec notre engagement dans la stratégie pauvreté et, plus largement, dans le cadre de notre politique d’insertion, le Conseil départemental est prêt à développer son implication dans l’expérimentation territoire zéro chômeur. Par exemple en secteur urbain comme nous l’avions proposé en 2016. Mais un déploiement en lien avec une intercommunalité du Lunévillois, si elle se portait candidate, serait bien entendu examiné avec attention. Pour conclure, permettez-moi de citer le témoignage d’une bénéficiaire de ce dispositif afin d’en incarner le mérite et l’intérêt et de donner une dimension plus concrète à nos échanges. Témoignage que j’entends d’abord comme un profond encouragement. Je cite donc : « avant j’étais un peu une oubliée, je vivais dans la campagne complètement repliée, je n’osais même plus aller chercher mon pain, parce que la première chose qu’on me demandait c’était « as-tu trouvé du travail ». On finit par s’isoler, on est déconnecté. Territoire zéro chômeur m’a permis de reprendre confiance en moi. Cela permet de refaire des projets, de pouvoir consommer. Cela vaut le coup parce que toute une économie repart. On va plus facilement à la boulangerie, chez le coiffeur, on rachète une voiture. C’est un mouvement très fort ».
Je vous remercie.