Les propositions de l’UDC pour un co-développement transfrontalier plus abouti avec le Grand-Duché du Luxembourg

 

Session publique du 18 décembre 2019

Intervention de Luc BINSINGER :

Conseiller départemental du canton de Jarville-la-Malgrange

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Avant toute chose je souhaite remercier notre collègue Rose-Marie FALQUE qui a sollicité la demande de création du groupe de travail ayant permis la production de ce rapport. Soyez également une nouvelle fois remercié monsieur le Président pour avoir accepté cette demande. Je salue notre collègue Valérie BEAUSERT-LEICK qui a présidé les différents rencontres auxquelles nous avons assisté avec Monique POPLINEAU et Alain CASONI. Merci à tous ceux qui travaillé sur ce sujet important : Isabelle ARTS pour les services ainsi que nos collaborateurs : Kevin CROTTE-BRAUN, Francis HERBAY, Matthieu ZIEGLER, Jean-Marc BOULANGER, et Jean LOEVENBRUCK.

En même temps, une question en préambule. Pourquoi ce rapport est présenté par la commission Aménagement. Je n’ai aucun doute sur la capacité de tous nos collègues à examiner cette question mais, tout comme pour le rapport Finances 28 qui traite de la coopération transfrontalière et interrégionale, ce rapport co-développement aurait dû être abordé, me semble-t-il par la commission Finances et Europe ! J’espère que la raison principale n’a pas été d’éviter de confier cette présentation à notre collègue Christian ARIES, élu de Longwy, compte tenu de ses bonnes relations avec nos collègues élus du Front de Gauche du Pays Haut ?

Monsieur le Président, le fait transfrontalier et le co-développement doivent nous interpeller car ils sont le quotidien de plus de 105.000 lorrains. Chaque jour, le nombre de travailleurs frontaliers augmente ! Ils sont plus de 4.000, rien qu’à Nancy ! 48.000 belges que nous ne devons pas oublier !

Beaucoup d’acteurs ont été entendus. Dans de nombreux domaines ; collectivités, santé, agriculture, think-tank. Tous partagent ce constat : nous devons avancer vers la voie du co-développement. Je regrette toutefois que nous n’ayons pas sollicité le gouvernement luxembourgeois. C’est pourtant lui la cible de ce rapport.

Un sujet prédomine dans vos conclusions. Le travail de Karl Heinz LAMBERTZ.

L’adoption de son rapport par une des émanations du Conseil de l’Europe changera elle la donne vis-à-vis de nos partenaires Luxembourgeois ? Nos collègues du Front de Gauche aimeraient le croire et se sont viscéralement attachés à voter, une fois encore, dans leurs municipalités des motions visant à obtenir la fameuse rétrocession fiscale tant attendue.

Rappelons tout d’abord que le Grand-Duché est un Etat souverain.

Rappelons également que le rapport de Karl Heinz LAMBERTZ a été adopté par le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux. Cet organe du conseil de l’Europe adopte des textes (recommandations, résolutions et avis) qui ne sont en rien contraignants pour les Etats.

Mettons-nous un instant à la place du gouvernement Luxembourgeois. Quelle portée devrait-on donner à un texte non contraignant, adopté par une assemblée dans laquelle siègent les maires de Kazan en Russie, celui de Karabük en Turquie ou bien celui de Narimanov, district de Bakou en Azerbaïdjan ? Tout comme le premier ministre Xavier BETTEL, nous nous contenterions poliment de prendre acte d’un désaccord.

Ce qui doit nous guider avant tout ce sont les principes de réalité et d’efficacité. Je l’ai déjà dit : « dénoncer la finance et réclamer un chèque est une voie sans issue ! » Combien de fois Xavier BETTEL devra-t-il opposer une fin de non-recevoir pour que certains de nos collègues le comprennent. Non seulement cela braque inutilement nos voisins Luxembourgeois, mais cela pénalise les travailleurs frontaliers. Nous perdons un temps précieux qui pourrait être employé à imaginer, à financer et à réaliser des investissements concrets et utiles qui nous font cruellement défaut aujourd’hui et qui seront d’autant plus indispensables demain !

Xavier BETTEL l’a redis en Allemagne peu de temps après l’adoption du rapport LAMBERTZ. Il ne fera pas de « simple chèque » ! Pour autant, il est parfaitement conscient de la situation transfrontalière. C’est pour cela que le Luxembourg finance tout projet « win-win, gagnant-gagnant ». J’invite toutes et tous à faire preuve de responsabilité en prenant le premier ministre Luxembourgeois au mot. Choisissons une fois pour toute cette direction pour être à la hauteur du défi qui reste à venir ! N’ayons pas peur d’être ambitieux ! Investissons ensemble dans de vrais et grands projets durables !

A l’inverse, tirons un trait définitif sur une rétrocession qui ne viserait in fine, qu’à saupoudrer sans ambition des moyens financiers dans quelques municipalités qui en profiteront à coup sûr pour augmenter leurs budgets de fonctionnement mais qui de fait, passeront à côté des vrais enjeux, c’est-à-dire de l’avenir de leurs territoire et habitants qui travaillent au Luxembourg.

Nous regrettons donc, monsieur le Président, mes chers collègues, qu’une fois de plus le serpent de mer de la rétrocession fiscale, soit au centre de nos travaux alors que nous savons pertinemment qu’elle n’aboutira pas ! C’est une provocation ! La responsabilité aurait dû nous conduire ne pas y faire allusion dans ce rapport. Il est temps de prendre acte de la réalité politique.

Les différences entre nos deux pays ne datent pas d’hier. La place financière luxembourgeoise n’est pas apparue subitement ; de même que l’augmentation de la fiscalité française. Augmentation que vous ne cessez d’ailleurs de soutenir !

Personne ne peut dire qu’il est aujourd’hui pris par surprise.

« Unis dans la diversité ». La devise même de l’Europe nous rappelle cette réalité. Entre nos différents pays, malgré nos différences de langues, de cultures, de droits…, nous devons travailler ensemble pour avancer. Cette différence est finalement intrinsèque à l’Europe.

Ne pas accepter cette différence, dénoncer le voisin alors que nous sommes au coeur de l’Europe, c’est quelque part être anti-Européen. C’est dommage.

Chers collègues. Je déplore une chose : il n’est pas fait mention d’une seule idée de projet concret dans ce rapport, aucune !

À l’inverse vous demandez la création de 2 comités Théodule et la nomination d’un, d’une, délégué(e) interministériel(e).

Ceux qui passent des heures dans les bouchons quotidiens seront ravis d’apprendre la création de la « Conférence Territoriales de l’Action Publique Transfrontalière » ainsi que de la « Conférence Territoriales Transfrontalières des Territoires du Nord Lorrain».

Alors que nos concitoyens nous demandent du concret, vous répondez par plus de technostructures ! Alors qu’on nous demande des solutions, vous répondez par toujours plus de bureaucratie ! Avec de telles préconisations, le millefeuille administratif français a encore de beaux jours devant lui !

Ainsi, tout comme Cornélius et Pompadour, les deux conseillers de Babar, vous appointez des commissions ! Comme dans la chanson, il y aura les experts, des études, des comptes rendus et des mémoires envoyés aux ministères. Tout y est, sauf une chose : le concret ! C’est pourtant ce que demandent nos concitoyens qui sont les premiers concernés. Notre collègue Monique POPLINEAU l’a très régulièrement rappelé lors de nos travaux : « Ils veulent que les choses changent, qu’elles avancent ! »

Nous devons nous inscrire résolument dans la démarche de projet partagés et d’investissement ambitieux ! Tous nos interlocuteurs nous ont dit que c’est la voie à prendre!

Le point noir du fait transfrontalier est la MOBILITE. La saturation de l’A31 est manifeste ; cela ne peut que s’aggraver ! L’A31bis, si elle
devait se concrétiser à moyen voir long terme, ne peut constituer la seule réponse à cette problématique ! L’arrivée d’Amazon en Moselle et de la plateforme logistique internationale de Bettembourg doit nous faire prendre conscience de l’enjeu. Un véritable mur se dresse devant nous ! Les prévisions annoncent 135 000 frontaliers dans les années qui viennent !

L’accord intergouvernemental signé lors de la visite d’Etat qui prévoit 240 millions d’euros d’investissement principalement sur le ferroviaire est un premier pas ambitieux. Toutefois, les 120 millions d’Euros d’engagement de l’Etat français ne doivent EN AUCUN CAS être répercutés d’une manière ou d’une autre, en tout ou partie, sur le Contrat de Plan Etat Région. Ces 120 millions doivent s’ajouter au CPER. J’appelle sur ce point à la vigilance ! Si l’accord intergouvernemental fixe enfin un cadre bienvenu qui devrait faciliter le développement du télétravail, cela ne limitera qu’à la marge, le flux des frontaliers qui se déplacent sur les routes.

La ligne de chemin de fer Nancy-Pont-à-Mousson-Metz-Thionville-Luxembourg est actuellement saturée. C’est pourtant sur elle et sur le chemin de fer en général que nous devons nous concentrer pour améliorer la mobilité des travailleurs transfrontaliers. Les communes du sud du département, Nancy et Pont-à-Mousson, doivent-elles aussi bénéficier de l’opportunité que représente le Luxembourg. Si les 16 nouvelles rames à 2 niveaux achetées par la Région Grand Est sont un pas dans la bonne direction, il nous faudra aller beaucoup plus loin. Si les investissements prévus permettront à 10 trains de circuler sur une heure en période de pointe mais nous devons penser à la prochaine génération de trains qui circuleront sur cette ligne. Les TER2 Nouvelles Générations actuels et le réseau sont limités à 160km/h. Soyons ambitieux ! Battons-nous pourquoi pas pour imaginer …..que les trains Nancy/Luxembourg circulent à 200km/h ! Fixons nous cet objectif à long terme de l’infrastructure et d’achat de rames neuves ! Les Régions Normandie et Centre-Val de Loire ont investi dans des nouvelles rames à 2 niveaux aptes à circuler à cette vitesse.

Faisons de cette ligne un projet transfrontalier en lui-même sur le modèle du Léman Express, ce projet européen de mobilité transfrontalière qui a été financé par la France, la Suisse et l’Union Européenne ! Contribuons à rapprocher CFL et SNCF sur cette ligne !

L’enjeu du logement doit aussi être une priorité. Le département, en tant que délégataire des aides à la pierre doit prendre en compte la dynamique démographique qui s’est mise en place dans le pays-haut. Il doit mettre l’ensemble des acteurs de ce secteur autour de la table pour à la fois répondre à la demande des frontaliers et aussi permettre aux habitants historiques de rester sur place en offrant des logements à des prix accessibles.

Nous devons lancer une grande démarche D’ATTRACTIVITE ECONOMIQUE des territoires transfrontaliers. Il faut VENDRE un « Grand Luxembourg ». N’ayons pas peur de faire la promotion dans les grands salons internationaux professionnels et de recrutement les hauts salaires et le pouvoir d’achat des frontaliers et l’opportunité économique qu’ils représentent pour les entrepreneurs !

Monsieur le Président, votre démarche d’attractivité qui se résume en grande partie à l’économie sociale et solidaire n’a que très peu de chance de plaire et surtout répondre à la demande et aux besoins des personnes qui gagnent leurs vies au Luxembourg ! Ils préféreront sans aucun doute un gastronomique à la « Cantoche ».

Cette démarche d’attractivité ne peut se faire qu’en lien avec une action sur le plan fiscal.

Sur ce volet, la convergence entre les différents niveaux n’est pour l’instant qu’un voeu pieu. Si le gouvernement a amorcé la baisse de l’Impôt sur les sociétés en France, le même mouvement a lieu au Luxembourg. L’écart ne se réduira donc pas à court terme. Il faut donc agir pour restaurer un équilibre sur le nord lorrain pour stopper la fuite des entreprises et des emplois. Vous demandez une étude sur l’éventuelle mise en place du Mécanisme Européen Transfrontalier. Monsieur le Président, il faut le mettre en place dès que possible ! Nous devons porter le pays haut comme territoire pilote en la matière !

La politique familiale doit aussi être mise à l’agenda de notre vision transfrontalière. L’ensemble des modes de garde doivent être développés. Réseaux d’assistantes maternelles et crèches publiques, associatives ET, osons le gros mot, privées ! La fondation IDEA propose d’étendre l’éligibilité du chèque « service-accueil » aux communes frontalières. C’est une piste de réflexion qu’il nous faut aborder très sérieusement. Le ministère de la famille Luxembourgeois doit être sollicité rapidement sur la question. Cette démarche s’inscrirait parfaitement dans la logique gagnant/gagnant. Aujourd’hui les crèches Luxembourgeoises sont saturées, notamment par les enfants des travailleurs transfrontaliers. Permettre aux crèches frontalières de bénéficier du chèque accueil-service relâcherait la pression sur les crèches luxembourgeoises saturées et pourrait également bénéficier tant aux frontaliers qu’aux nombreux Luxembourgeois installés sur ces communes.

Des partenariats entre les universités de Lorraine et du Luxembourg doivent être mise en place. Diplômes communs, échanges d’étudiants et de professeurs doivent permettre aux étudiants d’accéder plus facilement aux opportunités qui se présentent dans notre grande région. Plus généralement notre offre de formation doit maintenant s’adapter et prendre en compte les débouchés potentiels qu’offre le Grand-Duché. Ces emplois seront pourvus quoi qu’il arrive. A nous de faire en sorte que les Lorrains en bénéficient.

Dans le domaine de la Santé, je veux saluer le soutien de nos voisins au projet de Proton thérapie porté par le CHU et L’ICL. Cela démontre l’excellence de la médecine française. Concernant les urgences et les services de secours, nos frontières n’ont plus lieu d’être. Ambulances et sapeurs-pompiers doivent pouvoir intervenir sur nos communes comme cela se fait déjà dans un partenariat avec la Belgique. C’est à l’acteur le plus proche d’intervenir. Tout comme chacun devrait pouvoir prendre rendez-vous avec un médecin qu’il soit généraliste ou spécialiste voir se rendre dans un service hospitalier indépendamment de sa nationalité tout en étant accompagnés par nos différents systèmes d’assurances maladies.

Enfin, le sujet LINGUISTIQUE est primordial ! Notre collègue Monique POPLINEAU peut en témoigner. Nous vivons au coeur de l’Europe. Alors que les jeunes luxembourgeois sont tous trilingues, côté français la maitrise des langues étrangères n’est réservée qu’à une minorité. Quelle mouche a bien pu piquer vos amis politiques pour qu’ils décident de supprimer les classes bilingues, heureusement rétablies aujourd’hui par le ministre BLANQUER. Chaque collégien, chaque Lycéen lorrain devrait pouvoir bénéficier s’il le souhaite de faire sa scolarité en classe bilingue ! Mettons les moyens pour que cette belle ambition devienne une réalité dans les années qui viennent !

Chers collègues, voilà les propositions que nous formulons. Ce sont des objectifs ambitieux qui font sens et qui répondent au défi du fait transfrontalier et du co-développement.

  • Une ligne rapide Nancy – Luxembourg transfrontalière et européenne qui puisse bénéficier aussi au Sud Meurthe-et-Mosellans
  • Une démarche d’attractivité « Grand Luxembourg » au service du nord Lorrain
  • La mise en place du Mécanisme Européen Transfrontalier en tant que Territoire pilote
  • Engager une démarche pour ouvrir l’éligibilité du chèque accueil-service aux communes frontalière pour y développer les modes de garde.
  • La possibilité pour chaque élève de s’inscrire en classe bilingue !
  • Lancer des partenariats entre nos 2 universités

Mes chers collègues vous avez bien compris l’écart existant entre ce vous nous proposez et nos positionnements, nous ne voterons donc pas ce rapport !

Je vous en remercie.

Luc BINSINGER