Session publique du 19 septembre 2016.
Question d’actualité de Michel MARCHAL :
(Conseiller départemental du canton de Baccarat)
Monsieur le Préfet,
La couverture médicale du territoire Est lunévillois et plus particulièrement, les EHPAD, les Unités de Soins Longue Durée et les Soins de Suites et de Réadaptions, sont assumés par la structure 3Hsanté. Ils se répartissent sur trois sites, Cirey-sur-Vezouze, Blâmont et Badonviller. Le Directeur de l’hôpital de Lunéville assure la direction de ces trois sites, ainsi que celles de l’EHPAD de Gerbéviller et de l’hôpital de Saint-Nicolas.
Depuis plusieurs années des inquiétudes apparaissent concernant le devenir des structures de l’Est Lunévillois. Des investissements et des restructurations seraient nécessaires afin de pérenniser ces sites.
Les objectifs fixés visent à l’amélioration de la qualité d’accueil et de l’offre de soins, à la redynamisation de l’accueil de jour, à la mise en œuvre d’un projet médical, à offrir des conditions de travail optimales en réduisant les temps de transport d’un établissement à l’autre, ainsi qu’à la mutualisation des services supports.
Une étude est en cours.
Le diagnostic élaboré dans le cadre de la première partie de cette étude fait apparaitre les atouts et les faiblesses de chacun des sites.
La seconde partie étudie la concrétisation des objectifs dans le cadre de trois options : mise à niveau sur les trois sites existants, regroupement sur 2 sites, regroupements sur 1 seul site.
Si cette étude parait intéressante sur le volet économique, elle ne doit pas faire oublier l’aspect social et humain.
Les élus de ce territoire s’inquiètent des propositions envisagées.
En effet, la suppression des 40 lits de SSR de Cirey pour les transférer à Saint-Nicolas est difficilement acceptable. L’argument invoqué serait l’adossement de ce service à un plateau technique. Or, Saint-Nicolas n’a pas plus de plateau technique que Cirey-sur-Vezouze.
Lors de la dernière réunion du comité de pilotage, il a été proposé un scénario alternatif en reconstruisant, sur Blâmont, sur un autre site que celui existant, et en se laissant la possibilité d’extension. Une telle proposition reviendrait à dire que le site est déjà choisi et qu’il est unique. Ce qui va à l’encontre du cahier des charges de l’étude en cours et de la réflexion.
Monsieur le Préfet, je souhaite vous alerter sur les interrogations des élus et habitants de ce territoire.
Est-il nécessaire de rappeler les difficultés économiques et sociales de l’Est lunévillois ? Cette situation reconnue par tous doit nous sensibiliser et guider notre réflexion et nos décisions.
Comment accepter la suppression des lits de SSR à Cirey ? Cette décision lourde de conséquences en termes d’emploi et sur le plan humain est à ce jour inacceptable. Les personnes accueillies dans ce service sont majoritairement issues du territoire. La suppression de cette prestation obligera les patients et ceux qui les visitent à se rendre à Saint-Nicolas ou ailleurs (sans doute en Moselle) alors que la mobilité reste un problème majeur dans cette région. La proposition de compenser cette fermeture de lits SSR par des lits d’EHPAD n’est pas une véritable compensation. En effet, 28 lits étaient déjà affectés mais non ouverts. Cette ouverture de lits supplémentaires est soumise à un accord du Conseil Départemental. L’accord n’est pas encore confirmé.
En 10 ans, 3Hsanté a déjà perdu une centaine d’emplois, mais reste néanmoins le plus gros employeur de ce secteur.
La suppression des lits de SSR et les emplois supprimés qui en découlent fragilisent l’Est lunévillois.
De plus, comment accepter que, sur 3H santé, le ratio d’encadrement soit nettement inférieur à la moyenne nationale, 0,42 pour la moyenne des 3 sites/0,47 contre 0,36 à Blamont, si ce n’est que pour diminuer les prix de journées !
Une mise à niveau des ratios d’encadrement s’avère indispensable au regard de la qualité du service.
De même, la perte d’emplois doit trouver compensation avec une augmentation du nombre de lits.
La fermeture des trois sites n’est pas inéluctable et la réflexion doit tendre vers une hypothèse de maintien des trois sites et des lits de SSR.
La fragilité de l’Est lunévillois implique une réflexion globale intégrant l’aménagement du territoire. Les critères retenus ne peuvent pas être que les ratios économiques.
Les premiers éléments présentés par le bureau d’étude démontrent que la solution envisageable, pour ne pas trop affaiblir ce territoire, serait d’augmenter le nombre de lits et de mettre à niveau le ratio d’encadrement. Cependant, pour obtenir un équilibre financier cette hypothèse nécessite une augmentation conséquente du prix de journée, ce qui est inacceptable. Le revenu par habitant de ce territoire est le plus faible du département.
Alors, Monsieur le Préfet, êtes-vous prêt à cautionner cette politique d’abandon et faire de ces lieux une terre de friche industrielle issue de la fermeture des usines, une zone de friche scolaire avec la suppression des collèges de Badonviller et Blamont et maintenant une friche médicale ?
L’étude n’a pas pris en compte la démolition ou la transformation des locaux abandonnés.
Monsieur le Préfet, je ne doute pas que vous preniez en considération le désarroi des élus et de la population. Pouvez-vous les rassurer avec des éléments concrets, car ce territoire a été trop souvent dupé et trahi par la parole publique. Je tiens aussi à faire référence au schéma porté par l’État et le département sur l’amélioration de l’accessibilité aux services publics.
Je vous remercie pour la réponse tranquillisante que vous pourrez m’apporter.
Réponse de Philippe MAHÉ :
(Préfet du Département de Meurthe-et-Moselle)
Monsieur le Conseiller Départemental,
Après avoir consulté le directeur général de l’agence régionale de santé, compétent en ce domaine, je suis en mesure de vous apporter les éléments d’information suivants :
Tout d’abord sur le déménagement du SSR (Soins de Suites et Réadaptation)
Les réflexions qui ont amené au transfert du SSR reposent sur les points suivants :
► Une réforme à venir de la tarification du mode de financement de cette activité au 1er janvier 2017, dont une des composantes sera l’activité réalisée. Les simulations de ce futur modèle n’ont pas encore été transmises par l’échelon national, mais les premières informations sur les principes qui régiront cette tarification montrent que seules les structures avec une taille critique suffisante seront viables à termes.
Ainsi les structures isolées, ou de petites tailles sont entrées dans des démarches de rapprochement voire de fusion, comme dans les Vosges pour anticiper l’impact de cette future tarification. C’est dans une logique territoriale, afin de pérenniser l’offre sur le territoire, qu’il a été décidé que le SSR de 3H Santé soit transféré à Saint-Nicolas-de-Port.
► Le deuxième point dans la réforme à venir sur l’activité de SSR est de disposer d’un plateau technique suffisamment développé et permettant des prises en charge assez variées, globales et plus techniques. Un tel plateau est couteux, et ne peut être assumé que par une structure d’une taille suffisante.
Dans l’esprit de la réforme, de tels plateaux auraient vocation à être ouverts aux professionnels libéraux de rééducation pour optimiser ces plateaux et pour permettre à la population de pouvoir bénéficier d’une prise en charge la plus performante possible, sans devoir être admise en SSR.
► Enfin, les difficultés de recrutement médical dans les services hospitaliers, et la baisse du nombre de médecins généralistes sur le territoire fragilisent la prise en charge des patients admis en SSR et la continuité des soins.
Ces difficultés ont entrainé fin 2014 et début 2015 à une faiblesse de la couverture médicale, qui a été dommageable pour l’offre qui était proposée par l’établissement, concernant la prise en charge des Etats Végétatifs Chroniques. Jusque lors, cette offre était reconnue, notamment par l’expertise développée par l’équipe en place à cette période, en lien avec l’IRR. Les difficultés de couverture médicale et le turn-over fréquent ont amené progressivement à cesser cette prise en charge, faute de médecin et de professionnels formés.
La direction commune avec le CH de Lunéville a permis d’absorber ses difficultés, avec une équipe médicale commune. En revanche, elle n’est pas formée pour prendre en charge ce type de patients.
Le rapprochement avec la structure régionale référente en matière de SSR sera un atout pour pouvoir développer les coopérations nécessaires pour relancer cette offre, dont le besoin est avéré.
Néanmoins, la nécessité de regrouper les capacités des activités de SSR ne signifie pas qu’il s’agit de vider l’offre de santé sur un territoire. C’est pourquoi les réflexions actuelles portent notamment sur l’installation de 28 lits autorisés. Les financements ARS sont disponibles, et quant au Conseil Départemental, il est prêt à réinstaller ces lits si le besoin est avéré.
Il est à souligner que contrairement à ce que vous avancez, les lits sont déjà autorisés, et donc ne nécessite pas une nouvelle autorisation du Conseil Départemental. En revanche, des négociations seront nécessaires pour calibrer le financement.
Par ailleurs, il est aussi envisagé d’y installer une antenne HAD pour couvrir plus facilement cette zone. Ces réflexions s’inscrivent également dans le cadre des GHT dont l’objectif est de permettre à l’offre publique de se structurer et de se pérenniser.
Enfin, il faut rappeler la démarche Parcours, dans le cadre du PAERPA, qui vise à terme à proposer des réponses pertinentes pour une population de plus en plus âgée, ainsi qu’un véritable appui pour les professionnels libéraux, qui pourra renforcer l’attractivité médicale.
Pour ce qui concerne le ratio de soignant évoqué par le consultant de 0,47 ETP par lit d’EHPAD est une moyenne réalisée sur l’ensemble des structures du territoire national. Ce ratio moyen cache donc des disparités en matière d’offre (unité Alzheimer, UHR, PASA, accueil de jour). De même, il ne tient pas compte de la multiplicité des sites. Donc sans une étude plus précise sur les profils des résidents pris en charge, cet indicateur ne peut être pris comme référence.
En outre, il est important de rappeler que les réflexions en cours sur l’évolution architecturale de 3H Santé porte sur l’USLD et les EHPAD.
Certes, il s’agit d’offre de prise en charge gériatrique, néanmoins, elles doivent être différenciées pour apporter une véritable plus-value dans le parcours des personnes âgées. Ainsi, l’offre en USLD est plus médicalisée que celle en EHPAD. Donc pour analyser la couverture soignante de ces activités, il conviendrait de les analyser de manière séparée et non globalisée par site.
Par ailleurs, la dispersion des activités sur plusieurs sites entrainent nécessairement la dispersion des moyens, dont le personnel soignant. Le regroupement de sites permettra une meilleur optimisation des moyens dédiés aux différentes activités et d’améliorer la couverture soignante.
Enfin, il est rappelé que 17 lits d’EHPAD ne sont pas installés, alors même que la dotation soins continue d’être versée par l’ARS. Cette dotation permet le recrutement d’infirmières et d’AS. Donc le ratio d’encadrement soignant en EHPAD ne peut s’expliquer uniquement par les moyens financiers accordés. Une analyse plus fine doit être conduite pour pouvoir expliciter ces ratios.
S’agissant des scénarios d’évolution, lors du COPIL du 23 août dernier, le consultant qui conduit la réflexion en soutien de l’établissement sur les évolutions de 3H Santé a en effet présenté un nouveau scénario qui consiste à supprimer l’ensemble des sites existants, au profit d’un nouveau site qui les regrouperait.
Ce scénario n’avait en effet pas été envisagé dans le cadre du cahier des charges, puisqu’il s’agit bien prioritairement de privilégier la réutilisation des sites. L’ARS est attentive à cet aspect car les immeubles vacants (qui trouvent difficilement des acquéreurs) sont source de surcoût financier, en termes d’entretiens, et pèsent sur les amortissements des établissements, et donc dans le cycle d’exploitation financière.
Il ne faut ainsi pas oublier que le site de Badonviller a été entièrement rénové, il y a moins de 10 ans, c’est donc un bâtiment qui n’est pas amorti.
Les conclusions du consultant restent donc des hypothèses qu’il soumet aux différentes parties, mais il ne s’agit pas là d’une décision qui serait entérinée.
Le choix final résultera d’une concertation forte entre les autorités de contrôle (ARS/CD), les élus du territoire et l’établissement. Il s’agit bien de trouver une solution qui réponde à vos préoccupations en matière de dynamique territoriale, tout en permettant à cette offre de pouvoir être pérenniser, tant d’un point de vue économique, qu’au regard du parcours patient, avec un effectif médical et paramédical adéquat.
Ce dernier point sera crucial pour la pérennité de l’offre et nécessitera d’élargir la réflexion à l’échelle du territoire sur les dynamiques à insuffler pour le rendre attractif.
Le 3ème COPIL aura lieu le 20 septembre 2016. Dans l’immédiat, le Docteur PIQUET déléguée territoriale de l’ARS est à votre disposition pour vous apporter toute précision complémentaire.